
Dissuader de toute démarche les hommes victimes de violences conjugales ? Le déni orchestré depuis les sommets de l’État pour affirmer que la violence n’a qu’un sexe ne devait pas suffire.
En annonçant la veille du 25 novembre 2014 (http://qwt.co/5139jf), « journée de la violence faite aux femmes » (selon l’éphéméride panique qu’affectionnent les médias, « journées sans », « journées de », « journées contre »…), un « plan contre la violence conjugale », la ministre de la Justice ajouté sa pierre à un vieil édifice du mensonge.
En 2003, dans son livre Fausse Route, Elisabeth Badinter s’inquiétait d’une dérive du féminisme aboutissant à un déni militant de la violence féminine. Elle observait que la violence conjugale, réputée entièrement imputable aux hommes, était d’autant plus méconnue dans sa dimension féminine qu’elle n’était à cet égard pas mesurée. Et de dénoncer le biais systématique de la sociologie officielle en la matière (la malhonnêteté de l’Enquête nationale sur les violences envers les femmes en France, Enveff)[1].
Onze ans après, le phénomène n’est pas davantage mesuré. Les services sociaux sont toujours aussi myopes, les sociologies d’État aussi portées au déni, les services policiers inaptes à recueillir d’improbables plaintes masculines.
Choisir le 25 novembre pour évoquer la « violence conjugale » a été de la part de Christiane Taubira une façon éclatante d’afficher sa préférence pour la vision la plus manichéenne.
Le plus grave tient cependant au « plan » lui-même, dont tout le propos est d’accentuer le déni.
Il prévoit en effet un encouragement systématique au dépôt de plainte par les plaignantes potentielles, et la dissuasion du recours à la main courante.
Le motif de désinhiber les victimes parmi les femmes est vertueux, mais si son efficacité est en l’occurrence incertaine, son effet collatéral est sûr. La mesure va dissuader davantage de toute démarche les hommes victimes de violences verbales ou physiques, que le plus souvent répugne la simple demande de conseil, a fortiori une main courante, a fortiori une plainte.
Pas de chiffre ici, inutile d’ajouter à la surenchère fantaisiste, comme l’estimation par les pouvoirs publics du nombre de femmes victimes de violences qui ne portent pas plainte (on peut ainsi lire sur le site du gouvernement que sur « 86 000 femmes [qui] indiquent avoir été victimes de viol ou de tentative de viol, seules 10 % déposent plainte » ; le recrutement de ces « indicatrices » laissant pour le moins perplexe). Côté masculin, le silence honteux du pauvre type humilié va de soi, compliqué du remords de s’entendre reprocher comme sienne la violence qu’il subit ; ça va de soi, on la ferme.
Et pour faire bonne mesure, l’encouragement systématique au dépôt de plainte que va instituer le gouvernement ne manquera pas non plus de créer un appel d’air aux dénonciations calomnieuses, déjà nombreuses (comme celles de pseudo-victimes en procédure de divorce que des cercles militants encouragent à obtenir le maximum au civil en s’appuyant sur le pénal, pseudo-victimes qui doivent compter parmi les « indicatrices » sus-mentionnées).
[1] Les réflexions d’Elisabeth Badinter sont rappelées et mises en perspective dans les trois articles d’Olivier Malvolti (2010), « La violence féminine : les chiffres tronqués de la violence conjugale » (http://qwt.co/px9ybx).
Il m’arrive de maltraiter et humilier des hommes, mais c’est à leur demande expresse!
Ils en sont sûrement bien récompensés, mais…
… il faudrait là une enquête de microsociologie bien calibrée (excusez, vous vous fichez peut-être de cette docte discipline comme de l’an quarante, mais elle est l’horizon modeste de ce blog, je m’y tiens).
Peut-être en effet qu’une telle enquête ferait voir qu’un recours plus répandu à la scène SM et à ses catharsis incline à la baisse des violences anomiques entre sexes, domestiques ou non.
Par hypothèse, on pourrait poser que ce recours engage – pour commencer vis-à-vis du préjugé courant – à une forme de maîtrise de soi, et des pulsions désordonnées, etc.
Pas sûr. Peut-être (la modestie du sociologue étant due à l’exigence de la critique plus qu’à l’aplomb d’une jolie domina)…