
Avec Piégée dans son couple, le « sociologue de l’intime » fait preuve d’une tranquille, sinon étonnante désinvolture.
Parce qu’il a eu « beaucoup de mal à trouver des témoignages d’hommes » (le Figaro du 18 mars 2016), Jean-Claude Kaufmann bat l’estrade avec un essai sur le couple[1] où il n’appuie son propos que sur celui des femmes. Pourquoi pas, s’il ne s’agissait que d’une revue des déceptions conjugales de celles-ci et de leur expression subjective, et la revue qu’en propose l’auteur n’est assurément pas dénuée d’intérêt.
Mais pour juger de ce qui fait le couple, de ce qui le défait ou de ce qui l’enlise, l’honnêteté commandait de pallier le « silence assourdissant » dans lequel « les hommes s’enferment » dès qu’il s’agit de leur intimité conjugale et leur tient lieu de subjectivité.
Comment ? Par quelle méthode de contournement ? C’est le travail du sociologue, précisément, que Jean-Claude Kaufmann a négligé. Or il ne pouvait ignorer qu’en redoublant le silence qu’observent les hommes, il redoublait en filigrane de son propos la suspicion a priori qui pèse sur eux : les préjugés que les femmes entrent et vivent en couple avec un handicap, qu’elles souffrent plus légitimement de ses échecs parce qu’elles s’y sont surinvesties, etc.
Lorsqu’y portent tant le cadre (la domination qu’exerce le féminisme sur les représentations du couple et de la famille) que la procédure (le choix de Kaufmann d’ignorer ce qu’il lui coûterait trop de saisir), le silence masculin vaut aveu implicite de culpabilité. S’il y a eu piège, c’est eux qui l’ont tendu.
Il est arrivé à la sociologie de s’appuyer sérieusement sur des histoires de vie. Avec Jean-Claude Kaufmann, il faut se contenter de tranches.
[1] Jean-Claude Kaufmann, Piégée dans son couple, éd. Les liens qui libèrent. On lira des réactions et témoignages intéressants sur le site de l’auteur, http://www.jckaufmann.fr/enquetes/lenquete-en-cours/
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