“Les femmes ont mieux géré le Covid” (misère de la sociologie)

“Les femmes ont mieux géré le Covid” (misère de la sociologie)

Au creux estival de la pandémie, les médias ont relayé avec complaisance les conclusions d’une étude pour le Center for Economic Policy Research et le Forum économique mondial, qui paraissent accablantes pour la gent masculine : « Il est clair que les pays dirigés par des femmes s’en sont mieux tirés. » Une étude ad hoc à visée de propagande qui aboutit pourtant à des conclusions indigestes pour le logiciel néoféministe.

Il y a un lien entre le nombre de morts par Covid et la promptitude des gouvernants à avoir instauré le confinement des populations, et celle-ci a différé selon que les gouvernants étaient des hommes ou des femmes. Supriya Garikipat, de l’université de Liverpool, et Uma Kambhampati, de l’université de Reading, deux économistes orientées “gender & cultural studies”, ont abouti dans un étude [1] à cette conclusion après avoir recueilli des données dans des pays dirigés respectivement par des hommes et par des femmes. Ce faisant, elles ont été conduites à illustrer l’hypothèse d’une plus fréquente aversion au risque chez les femmes, qui aurait porté les dirigeantes concernées à confiner plus tôt.

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“Trop jeune pour moi”, fausse audace, vraie dévotion

“Trop jeune pour moi”, fausse audace, vraie dévotion

Raconter une histoire d’amour sans visée politique édifiante, ce n’est sans doute plus envisageable dans le paysage audiovisuel du moment. Arrêt sur bluette.

À propos du soap Trop jeune pour moi diffusé le 31 août 2020 sur TF1, l’actrice Hélène de Fougerolles qui en incarne l’héroïne a confié au magazine TVMAG de graves considérations. « Si cette fiction peut faire réfléchir et changer le regard sur la différence d’âge », etc. Dans le film, elle a quarante-cinq ans, et le jeune homme vingt de moins. La chose est promue comme emblématique d’un type de relation hétérosexuelle qui mériterait d’être défendu contre le préjugé de ceux qui n’ont pas le « regard » du moment. Avec cette composition et grâce à TF1, Hélène de Fougerolles est persuadée de « tordre le cou à des clichés ». Et d’alléguer le couple Macron : « Il est scandaleux que la première dame se fasse encore beaucoup critiquer à ce sujet. »

Mais au couple présidentiel la fable télévisée ne ressemble guère. Et ce n’est pas seulement parce que la comédienne a plus d’atouts pour inspirer du désir à un jeune homme qu’une première dame dont le style cagot faire rire le monde depuis trois ans. Dans ce dernier cas, la différence d’âge n’entre pas seule en ligne de compte ; la psychanalyse ne manque pas de matière pour s’interroger sur la constitution mentale d’un homme qui a symboliquement épousé sa mère – un maître et une seconde mère. Mais de liaisons de femmes mûres avec de jeunes hommes, il y a toujours eu pléthore, et on en trouvera trace aussi loin que portent l’adultère et la littérature – les dix ou douze ans qui peuvent séparer Julien Sorel de Mme de Reynal valent bien vingt d’aujourd’hui.

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Il n’y a pas de “féminicides”

Il n’y a pas de “féminicides”

Si l’idéologème différentialiste « féminicide » a échoué à aboutir à un chef d’inculpation spécifique en droit pénal, il est appelé à jouer un rôle grandissant dans le prêt-à-penser propagandiste. Il ne faut pas le laisser passer.

Le 18 février 2020 l’Assemblée nationale publiait le Rapport d’information fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, sur la reconnaissance du terme de “féminicide”, dû aux efforts de Fiona Lazaar, députée LREM du Val d’Oise.

Les faits ne justifient pas le climat de panique entretenu par les pouvoirs publics de concert avec les groupes ultras sous l’intitulé des « violences-faites-aux-femmes ». Depuis le début du siècle, les homicides commis sur des femmes ont constamment diminué en France et dans l’Union européenne. Avec un taux de 0,27 sur 100 000, la France se situait en 2016 parmi les pays de l’UE où les meurtres de femmes étaient les moins nombreux

La tendance ne doit rien à la « reconnaissance » d’une violence contre les femmes en tant que femmes. Reste que le rapport Lazaar était attendu par les groupes militants. Or il les aura déçus. Sa principale conclusion est en effet que la « reconnaissance » revendiquée comme l’objectif du texte ne saurait être celle d’un chef d’inculpation spécifique. Principale, mais pas unique conclusion, car Lire la suite

Le “female boosting” du capital

Le “female boosting” du capital

Les réseaux professionnels féminins sont-ils plus que des réunions Tupperware, et à qui s’adressent-ils ? Aperçus du sexisme réticulaire, et de l’usage de la “RSE”.

Que sont les réseaux professionnels féminins, ces structures, généralement associatives, qui visent à corriger les effets supposément défavorables aux femmes du marché de l’emploi, sous le drapeau de la mixité ou de la parité ? Ils sont nombreux à être apparus depuis moins de dix ans. Certains, comme Les Énovatrices, ont eu une existence éphémère. Chez d’autres, la frontière est parfois floue avec les groupes activistes. Car ils sont aussi divers. L’ambition n’est pas ici d’en faire un tour complet, mais d’en souligner un trait commun, le désintérêt pour les femmes des classes populaires.

Renommée et bizness

Le caractère élitiste est tacite mais transparent, avec un réseau comme Les Fameuses, porté par « 250 fameuses », c’est-à-dire des « femmes d’influence, expertes, scientifiques, artistes, sportives… ». Lire la suite

“Le féminisme et ses ennemis”, remarques à la marge sur une paranoïa ordinaire

“Le féminisme et ses ennemis”, remarques à la marge sur une paranoïa ordinaire

Dans sa recension d’un ouvrage collectif intitulé Antiféminismes et masculinismes d’hier et d’aujourd’hui (Puf, 2019), un article de La Vie des idées du 18 novembre signé Tristan Boursier (Cevipof) livre un condensé éloquent de l’aplomb académique inspiré par le préjugé militant.

Les lignes qui suivent ne font que commenter cet article de LVDI[1], qu’il est recommandé de lire avant pour leur bonne compréhension.

Dès le titre de l’article notre recenseur et chercheur (Sciences Po Cevipof) prête d’emblée des « ennemis » à la matière qu’il défend. Pourquoi cet apparat guerrier ? « Contradicteurs » ne conviendrait-il pas mieux ? Ce serait pour l’auteur déjà accepter de discuter leurs raisons. Scrupule superflu avec un ennemi : on le combat, et dans la joute intellectuelle le combat se résume souvent au discrédit et au procès d’intention.

Et l’on devine que va de soi pour lui la portée heuristique du terme « masculinisme ». Terme impropre, le dira-t-on assez. (Se calant sur « féminisme », il faudrait parler de masculisme, ou opter pour fémininisme. Ce barbarisme nous vient du Québec, d’où sont originaires deux des codirecteurs de l’ouvrage recensé, sous l’influence de l’anglais : ce n’est pas dans les départements de pseudo-science genriste qu’on s’attend à trouver les Québécois les plus soucieux de préserver leur souveraineté linguistique.) Mais terme surtout polémique, qui vise à embarquer dans une logique militante opposée toute critique de l’idéologie féministe, à instituer toute raison contradictoire en idéologie hostile. Bref, un terme qui vise à s’inventer et à dénoncer des ennemis.

Poursuivons avec l’article de Tristan Boursier.

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Analyse des emplois et mise à l’index

Analyse des emplois et mise à l’index

Sous-texte des récentes mesures d’égalisation autoritaire des rémunérations femmes-hommes, l’« analyse des emplois en valeur comparable » a dévoyé une méthode de défense ouvrière en outil de management et de contrôle de la masse salariale.

La « loi Penicaud » du 5 septembre 2018[1] et ses dispositions visant à « mettre en œuvre un ensemble de mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’entreprise » (article 104) ont trouvé une traduction pratique (si l’on peut dire s’agissant d’une usine à gaz) dans un « index de l’égalité femmes-hommes »[2] qui fait la fierté et la teinte de gauche du macronisme. Ce texte revisite le principe « à travail de valeur égale, salaire égal » par une métaphysique de la « valeur » qui escamote dans un ensemble obsessionnel de contraintes légales tant le travail que le travailleur. En attendant qu’il soit loisible d’en tirer un début de bilan, une chose déjà est sûre : dans la confusion des ordres, l’ange de l’analyse en valeur comparable a commencé de faire la bête.

Depuis des années, la négociation collective syndicats-patronat a intégré en France, à une fréquence et des niveaux divers selon les branches et les organisations, Lire la suite

Des “frotteurs” dans les têtes

Des “frotteurs” dans les têtes

Personne ne les voit, mais ils sont partout. L’objet du scandale a autant de substance que dans les sociétés rurales les fables sur l’empoisonnement des sources ou les meurtres rituels. Mais l’inclination est immémoriale. Le parti de la peur aurait tort de s’en priver.

 

Il est remarquable qu’en dehors du contexte téléguidé des enquêtes sur « les violences faites aux femmes », les recherches portant sur les transports publics n’avaient jamais mis spécialement en évidence leur particulière dangerosité au titre de la délinquance sexuelle, ni décelé l’existence de la vaste confrérie des frotteurs. L’hystérisation de l’opinion publique depuis le fait divers hollywoodien dit affaire Weinstein a changé la donne.

“N’hésitez pas à donner l’alerte”

Depuis mars 2018, la RATP diffuse ainsi dans les stations ce message sonore : « Si vous êtes témoin ou victime d’un harcèlement sexuel, n’hésitez pas à donner l’alerte auprès de nos agents, en utilisant une borne, etc. » « N’hésitez pas » ! Ce ton urbain involontairement cocasse s’explique sans doute par la volonté d’intéresser dans la même phrase non seulement les victimes, par l’encouragement à surmonter la commotion de l’agression, mais aussi les témoins, alors qu’il tend plutôt à les dissuader d’intervenir eux-mêmes (pour commencer, chercher la borne…). Lire la suite

Du rail et du genre

Du rail et du genre

Avec sa réforme de la SNCF, l’État institue une discrimination salariale qui viole les principes qu’il revendique ailleurs. Mais seulement ailleurs.

La ministre du Travail Muriel Pénicaud a présenté le 27 avril en conseil des ministres le « Projet de loi pour la Liberté de choisir son avenir professionnel » par lequel elle entend traiter entre autres sujets « l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes », associée à la « lutte contre les violences sexistes et sexuelles », en vertu de l’amalgame devenu habituel dans toutes les politiques publiques. Il s’agit donc de « passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultats sur les écarts de salaires injustifiés », écarts que la ministre évalue à 9 % « à poste égal ou de valeur égale » (selon la mystérieuse notion de « valeur égale » figurant au L. 3221-2 du Code du travail). Pour y aboutir, les entreprises de plus de cinquante salariés seront tenues en 2020 d’utiliser un logiciel ad hoc qui comparera les salaires en fonction de l’entre-jambes.

Quelques jours plus tôt, le « projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire » défendu par la ministre des Transports Élisabeth Borne était adopté par l’Assemblée nationale. L’exposé de ses motifs précise « l’ordonnance devra donner l’opportunité de rénover la gestion de l’emploi, (…), sans remettre en cause le principe de l’unité sociale du groupe public ferroviaire » et que « dans ce cadre » sera « confirmé l’arrêt des recrutements au statut des nouveaux agents ». Une chose et son contraire, donc, Lire la suite

Équivalences transitives, ou la ruine du droit

Équivalences transitives, ou la ruine du droit

Du “continuum de violence” au bricolage des “féminicides”, le mode de pensée tautologique de la propagande féministe n’est pas innocemment risible. Il ne vise à rien de moins qu’à ruiner le principe de légalité.

Les idéologies sont inégalement friandes de rhétorique, de références érudites ou de contorsions dialectiques. Le féminisme du XXIe siècle ne s’en embarrasse pas.

Il énonce comme des évidences des propositions d’équivalence binaire, A = B et B = C, auxquelles leur ressassement finit par conférer la force de l’évidence.

Ces équivalences opèrent dans la désignation des faits et le champ sémantique mobilisé pour les qualifier. Échantillon.

  • Différentiation = discrimination (équivalence totale : la confusion sémantique n’est d’ailleurs pas l’apanage du registre féministe, et si incongru qu’il puisse paraître de noter ici que le droit commercial s’y est aussi pris les pieds, il faut garder à vue que l’avachissement général du langage est toujours un terreau fertile pour les idéologies agressives) ;
  • Inégalité = discrimination (la relation est causale, mais commutative selon le contexte : emploi, éducation, foyer, et surtout selon l’ordre du discours) ;
  • Discrimination = violence (équivalence presque totale, portée d’ailleurs par d’autres contextes que celui de la récrimination féministe, qui emprunte ici au vade mecum des communautarismes) ;
  • Sexuel = sexiste (équivalence totale dès qu’un « stéréotype » est détecté, spécialement s’il s’agit d’une blague) ;
  • Sexisme = violence ; et corollairement discrimination sexiste = violence (équivalence totale) ;
  • Sexisme = domination (comme si une insulte sexiste ne pouvait pas être proférée par un dominé – présentant les meilleurs titres de subordination, économiques, éducatifs, ethniques… – à l’encontre d’une dominante selon les mêmes critères ; la limite de l’équivalence étant ici l’embarras de la doxa avec le syndrome de Cologne) ;
  • Sexiste = « sexiste et sexuel » (ce syntagme stéréotypique désormais inscrit dans la loi et ressassé dans les campagnes de dénonciation ne vise pas à distinguer les deux termes mais au contraire à rabattre le second sur le premier : l’hétérosexualité masculine est présumée sexiste) ;
  • Domination = violence (la domination masculine étant présumée, la violence va de soi, il suffit de repérer l’une pour qualifier l’autre) ;
  • Drague = harcèlement (équivalence totale, mais revendication partielle, il resterait une drague admissible, mais le concéder n’est qu’une clause de style d’un propos tout uniment culpabilisateur, dès lors que la notion de harcèlement ne suppose plus la récurrence d’une avance à caractère sexuel) ;
  • Violences verbales = violences physiques (les allégations de « violences conjugales » sont toujours présentées dans les sondages et les journaux sans distinction des unes et des autres, et si la distinction est faite dans les organismes statisticiens, elle n’y est jamais mise en avant)…

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Papillon du 25 novembre

Papillon du 25 novembre

« Une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint. » Un énoncé propagandiste.

Papillons : chiffres sortis de quelque bureau, qui volettent portés par les médias ou la rumeur, hors de toute mise en perspective. Le papillon est un effet statisticien tout exprès isolé pour frapper les esprits. Et les abuser, tant il est souvent vénéneux.

Chaque 25 novembre avec la « Journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes » revient le papillon de la morbidité liée à la violence conjugale, sous la même forme fréquentielle « tous les trois jours ». « Une femme a été tuée tous les trois jours par son partenaire ou ex-partenaire en 2016 », indique cette année la « mission interministérielle de l’Observatoire national des violences faites aux femmes » (Miprof), qui fait état de 123 victimes[1], chiffre à peu près stable depuis plusieurs années.

Ce chiffre était connu avant le 25 novembre, mais le goût du marketing social porte les pouvoirs publics à en ménager la fraîcheur jusqu’à cette date où son relais médiatique est plus assuré. Et parce que l’occasion de la « Journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes » garantit que le sujet des violences conjugales restera bien calé sur celles dont les seules femmes sont victimes. « Violence conjugale » veut dire « hommes violents ». Lire la suite

Nathalie Haddadi, Andromaque bafouée

Nathalie Haddadi, Andromaque bafouée

Aimer son fils, il y a des limites. La 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris s’est fait fort de les énoncer.

Le 28 septembre, Nathalie Haddadi, quarante-trois ans, salariée dans le secteur privé, a été condamnée à deux ans de prison ferme pour avoir « financé le terrorisme ». Trois semaines plus tôt, le ministère public avait requis dix-huit mois. Le procès a ainsi vu le triomphe de la raison antiterroriste. De quoi s’agissait-il ? Du procès de l’amour d’une mère.

Nathalie Haddadi a payé des billets dʼavion à son fils radicalisé qui sortait de prison en novembre 2015, alors quʼil était visé par une interdiction de sortie du territoire ; billets pour lʼAlgérie puis pour l’Extrême-Orient, et elle lui a fait parvenir 2 800 euros alors qu’il se trouvait en Malaisie, d’où il aurait rejoint la Syrie, pour y mourir dans l’été 2016.

Ce jugement, par sa sévérité, n’en dit pas seulement long sur la paranoïa d’État justifiée par la lutte antiterroriste, autrement illustrée par l’accumulation de mesures d’urgence dans la loi ordinaire.

Il en dit long aussi sur la dégradation, l’insidieux mépris collectif, où a glissé au fil des ans, en un long et complexe abandon, la figure maternelle. Paradoxale disparition, alors que s’insinue partout dans nos vies l’inquisition de l’État-Maman ? Plutôt corollaire implacable : l’État assume les fonctions maternelles dont il affirme libérer la femme (au point qu’il en est venu, lors de la précédente législature, à réduire la durée du congé maternité au nom l’« égalité femme-homme », couvert qui n’était pas que le faux nez de raisons budgétaires). L’État materne, et dès lors l’amour maternel ne pèse plus rien face aux raisons d’État. Lire la suite

Espérance de vie

Espérance de vie

L’espérance de vie des cadres, calcule l’Insee[1], excède celle des ouvriers de six ans chez les hommes, mais de seulement quatre ans et demi chez les femmes. Ce n’est pas seulement qu’en bas de l’échelle le travail expose à plus de maux[2], mais que moins les gens sont diplômés, moins ils sont enclins à consulter la faculté pour dépister les maladies que l’âge amène ou précipite.

L’auteur de la note met un bémol en observant que « l’espérance de vie des ouvrières est supérieure d’un an à celle des hommes cadres », et que l’écart entre diplômés et non diplômés est nettement plus important chez les hommes que chez les femmes.

Suppléons sa timidité à présenter les données de façon agrégeant la niveau de diplôme et le sexe : les femmes sont plus diplômées, et l’on entend assez dire que ce serait sans bénéfice sur le marché du travail ; mais en termes d’espérance de vie, l’écart entre les cadrettes et les bleus de chauffe est de huit ans.

Pas de quoi inspirer un titre de journal ?

[1] Insee Première, Nathalie Blanpain, http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=0&ref_id=ip1584

[2] « Les natures mêmes des professions exercées expliquent en partie ces écarts.”

Jean-Claude Kaufmann, sociologue du demi-couple

Jean-Claude Kaufmann, sociologue du demi-couple

Avec Piégée dans son couple, le « sociologue de l’intime » fait preuve d’une tranquille, sinon étonnante désinvolture.

Parce qu’il a eu « beaucoup de mal à trouver des témoignages d’hommes » (le Figaro du 18 mars 2016), Jean-Claude Kaufmann bat l’estrade avec un essai sur le couple[1] où il n’appuie son propos que sur celui des femmes. Lire la suite

La saturnale des “bruns” (note sur l’herméneutique féministe de Cologne)

La saturnale des “bruns” (note sur l’herméneutique féministe de Cologne)

Le 8 mars, date désormais revêtue de la prééminence dans le calendrier du marketing idéologique, revêt en 2016 une importance particulière pour les tenants de la doxa, après les événements de Cologne. Car ils en ont mis en jeu les fondements mythologiques.

Avec l’implication quasi exclusive de populations immigrées d’origine arabo-musulmane à dominante maghrébine, selon les rapports de police[1], les agressions qui ont marqué le réveillon allemand ont pris de court le plus visiblement les gauches morales du féminisme et de l’antiracisme, mais au-delà de ces franges les plus politisées, c’est tout le confort axiologique du féminisme qui en a été affecté, ne lui laissant d’autre option que l’amalgame.

Le 18 janvier, un « collectif » d’organisations tenait ainsi à Paris un rassemblement dénonçant « les violences faites aux femmes, le sexisme, le racisme » où la posture avantageuse du refus de toute « récupération » pour « discréditer la politique d’accueil des réfugiés » faisait figure de clause de style avant cette réformation principielle : « En aucun cas les violences faites aux femmes n’ont à être instrumentalisées ! Elles ont lieu dans tous les pays, dans tous les milieux, dans tous les espaces. »[2]

En somme, si révoltant que ce soit, il ne se serait rien passé que d’ordinaire auquel l’événement s’amalgame.

Or les témoignages sur l’atmosphère qui régnait autour de la gare de Cologne (le Monde du 21 janvier 2016) laissent assez voir que le phénomène de foule qui se jouait là était d’une autre nature que ce qui réunit ordinairement les bandes affinitaires ou vicinitaires de jeunes mâles en rut.

Et la thèse policière d’un genre d’émeute délibérément organisée fait figure de bricolage ad hoc.[3]

Ces hommes, souvent mûrs, étaient trop nombreux pour ne pas être anonymes les uns pour les autres. Leur communauté de condition (« des hommes bruns », dit une rescapée citée par le Monde) ne fait guère de doute et rien ne va mieux l’attester que les efforts et les mensonges de la police locale pour le cacher : tous arabo-musulmans, la plupart « nafris », maghrébins mais demandeurs d’asile et assimilés aux « réfugiés Merkel ». Et tous sexuellement frustrés. Prêts à s’abuser d’une apparence de carnaval.

Il ne reste pas grand-chose en Europe, du renversement périodique et grotesque des normes et des hiérarchies, qui renvoie aux saturnales romaines et à leur parfum de foutre. Quelques villes de carnaval en entretiennent le souvenir plus ou moins spectral, Cologne, donc, plus bruyamment que Nice, mais il n’est pas toujours besoin d’attendre mardi gras pour apercevoir l’ectoplasme ; l’ordre social alloue aux pulsions dionysiaques quelques brefs moments très encadrés lors de fêtes profanes, comme en France le bal du 14-Juillet, ou telle « fête » locale que ses acteurs ont assez légitimée pour ce faire, ou réveillon du 31 décembre.

S’il ne manque qu’une observation au dernier roman de Houellebecq, c’est qu’en sa répugnance grandissante à risquer symboliquement l’ordre du monde, l’Occident et son esprit de sérieux finira pas être mûr pour la conversion. Car l’islam a instauré depuis longtemps la civilisation la plus acharnée à interdire, prévenir, compenser ou réprimer le désordre carnavalesque, la suspension du jugement moral, la décompression. La pression sociale à l’inverse, toujours chez lui identifiable à la volonté unie de son Dieu lointain mais vétilleux, ne souffre pas d’intermittence, a fortiori pas de rupture. Sinon la rupture du jeûne arrosée de soda. Pauvre soupape.

La rencontre soudaine, à la défaveur d’une migration subie, avec l’égalité des sexes, la mixité du quotidien et des lieux publics, la relative permissivité qui prévaut en Europe, en même temps qu’avec la prééminence symbolique et morale qu’y occupent les femmes, n’a pas laissé à ces hommes le temps d’un commencement d’acculturation. Tout les égare. A Cologne, la réinterprétation empirique, dans leur imaginaire inégalitaire sous le critère du sexe, de l’apparence de désordre des mœurs va les conduire au même moment dans un même lieu, avec les mêmes dispositions. Il ne leur aura fallu qu’un signal.

Ce signal, c’est le 31 décembre et ses promesses, le seul événement festif à caractère un tant soit peu transgressif qui se soit universalisé, et jusqu’en terre d’islam, où à défaut d’occasionner de grands chahuts il rend plus tangible à ses ressortissants (au spectacle télévisé du vacarme qu’il fait ailleurs) ce que cette culture porte d’ennui et de résignation.

Le 31, fête mondialisée, fête aussi de la mondialisation. Or de cette société mondiale de la marchandise, dont le 31 célèbre la joie avec ce qu’il faut de rots et d’obscénités, les « réfugiés » à majorité musulmane sont les ilotes, et les Allemands les maîtres (parmi d’autres s’entend).

Les esclaves aujourd’hui, ce sont ceux que la guerre ou la misère déracinent et dont le sort dépend du bon vouloir des Etats hôtes. Une sourde rumeur s’est répandue parmi eux que dans cette ville, et ce jour, leur frustration serait fugitivement allégée. Qu’ont fait les « hommes bruns » du 31 décembre ? Ils ont renversé la hiérarchie habituelle entre les hommes de la façon la plus transgressive, la plus carnavalesque : en s’en prenant aux femmes de leurs maîtres.

Pourtant l’interdit pèse, il s’énonce dans un langage dont ils ignorent le code, mais il n’est pas absent. Les « hommes bruns » savent que ces femmes ne sont pas les leurs et que la loi les protège. Une loi, du moins. Mais une norme qu’ils ont assez intériorisée et qu’ils partagent assez entre eux pour que demeure bridée la dynamique d’une violence de foule, de ce qui aurait été une émeute sexuelle. La transgression ne sera pas collectivement assumée. Si nombreuses qu’elles seront, les agressions sexuelles, au regard de la foule que la même pulsion travaille, seront sporadiques.

La presse de droite[4] montera en épingle les propos lénifiants de la mairesse de Cologne sur la « distance d’un bras », pour conclure que le féminisme cède le pas au tiers-mondisme … Mauvaise pioche. Si l’opinion féministe rechigne à nommer les agresseurs pour ce qu’ils sont, ce n’est pas tant par scrupule « antiraciste » que par crainte de perdre sa principale raison d’être : la fable d’un « patriarcat » persistant dans le monde occidental.

Le « pas-d’amalgame » (des migrants aux agresseurs) n’est qu’alibi. Au-delà de la commisération pour les victimes des agressions, ce que le féminisme déplore est que l’événement ne se soit pas plié à la raison idéologique, et même qu’il la démente : les agresseurs, au moins une partie significative d’entre eux, auraient dû être allemands[5].

D’où l’importance pour les groupes féministes ultras, d’abord enclins à la prudence, de réaffirmer la force de slogans affirmant la consubstantialité du féminisme et de l’antiracisme[6]. Gentiment encouragés depuis les palais nationaux à faire un peu de bruit pour conjurer le risque de « dérive xénophobe », OLF et autres sectes auraient de toute façon dû se résoudre à sortir du bois, pour réaffirmer la faute primordiale du mâle occidental. Heureusement que le 8 Mars y pourvoit d’abondance.

 

[1] http://www.lefigaro.fr/international/2016/01/12/01003-20160112ARTFIG00267-cologne-la-police-designe-des-delinquants-maghrebins.php.

[2] Les termes typiques employés par ledit collectif, repris par exemple sur https://effrontees.wordpress.com/2016/01/16/cologne-contre-les-violences-faites-aux-femmes-contre-le-sexisme-contre-le-racisme.

[3] Si la pensée magique s’est déployée surtout à gauche dans l’affaire de Cologne, les tentatives de manipulation de l’opinion ne s’y sont pas limitées. Il a aussi fallu à ceux que la passion féministe laisse plus froids trouver une cause agissante, et rassurante, à des événements d’une radicalité profonde (si l’on veut bien excuser le pléonasme). Les services de police ont ainsi inventé des « réseaux criminels marocains » qui auraient prémédité et organisé un harcèlement de masse à la manière du « taharrush gamea » des foules de la place Tahrir au Caire. Ou la pègre saisie par le goût de la publicité…

[4] Valeurs actuelles, prompt à en faire son miel.

[5] Or tout au plus la police annoncera-t-elle à la mi-janvier, dans un décompte hautement sujet à caution, que parmi une trentaine de suspects arrêtés figurent « un Serbe, un Américain et trois Allemands » (www.huffpostmaghreb.com/2016/01/13/cologne-marocains-algeriens_n_8968738.html).

[6] Cf. par exemple la pathétique visée théoricienne de Jules Falquet, « La “Nuit du 31 décembre 2015” en Allemagne et ses effets en France : Diviser les opprimé-e-s, tant qu’illes [sic] se laissent faire » in Mouvements, 5 mars 2016 (http://mouvements.info/la-nuit-du-31-decembre-2015-en-allemagne-et-ses-effets-en-france-diviser-les-opprime-e-s-tant-quilles-se-laissent-faire/) : «Au même moment, d’autres hommes, en Allemagne et ailleurs, ont pu, comme chaque année et comme chaque jour, exercer toutes sortes de violences sexuelles routinières, dans les établissements scolaires, les lieux de travail, les maisons ou les rues. (…) Les hommes blancs ont raison d’avoir des craintes. Si les femmes blanches et les hommes racisés s’unissaient et, plus largement même, si l’ensemble des femmes et l’ensemble des racisé-e-s s’unissaient, leur règne serait bien compromis. »

Remarques sur un idéologème – 5. Passerelle gauche-droite pour un discours de classe

Remarques sur un idéologème – 5. Passerelle gauche-droite pour un discours de classe

 

Avec l’invention du stéréotype, l’idéologie féministe est devenue accueillante aux sensibilités de droite. Or cette qualité de passerelle  gauche-droite répond à un enjeu majeur de légitimation des classes dirigeantes.

Jusqu’à une période assez récente où le féminisme était essentiellement marqué à gauche, l’invocation accusatrice du « système » suffisait à expliquer que des acteurs s’obstinent à des comportements aux effets défavorables à leur groupe. Si tant de femmes choisissaient d’embrasser des professions notoirement moins rémunératrices que d’autres que se disputaient les hommes, c’est que « le système » les y inclinait.

Or l’invocation magique du système ne convenait pas aux franges de l’opinion publique marquées à droite, traditionalistes, libérales ou conservatrices, que réunit la conviction qu’aucun système n’efface la responsabilité individuelle. Lire la suite