“Les femmes ont mieux géré le Covid” (misère de la sociologie)

“Les femmes ont mieux géré le Covid” (misère de la sociologie)

Au creux estival de la pandémie, les médias ont relayé avec complaisance les conclusions d’une étude pour le Center for Economic Policy Research et le Forum économique mondial, qui paraissent accablantes pour la gent masculine : « Il est clair que les pays dirigés par des femmes s’en sont mieux tirés. » Une étude ad hoc à visée de propagande qui aboutit pourtant à des conclusions indigestes pour le logiciel néoféministe.

Il y a un lien entre le nombre de morts par Covid et la promptitude des gouvernants à avoir instauré le confinement des populations, et celle-ci a différé selon que les gouvernants étaient des hommes ou des femmes. Supriya Garikipat, de l’université de Liverpool, et Uma Kambhampati, de l’université de Reading, deux économistes orientées “gender & cultural studies”, ont abouti dans un étude [1] à cette conclusion après avoir recueilli des données dans des pays dirigés respectivement par des hommes et par des femmes. Ce faisant, elles ont été conduites à illustrer l’hypothèse d’une plus fréquente aversion au risque chez les femmes, qui aurait porté les dirigeantes concernées à confiner plus tôt.

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“Trop jeune pour moi”, fausse audace, vraie dévotion

“Trop jeune pour moi”, fausse audace, vraie dévotion

Raconter une histoire d’amour sans visée politique édifiante, ce n’est sans doute plus envisageable dans le paysage audiovisuel du moment. Arrêt sur bluette.

À propos du soap Trop jeune pour moi diffusé le 31 août 2020 sur TF1, l’actrice Hélène de Fougerolles qui en incarne l’héroïne a confié au magazine TVMAG de graves considérations. « Si cette fiction peut faire réfléchir et changer le regard sur la différence d’âge », etc. Dans le film, elle a quarante-cinq ans, et le jeune homme vingt de moins. La chose est promue comme emblématique d’un type de relation hétérosexuelle qui mériterait d’être défendu contre le préjugé de ceux qui n’ont pas le « regard » du moment. Avec cette composition et grâce à TF1, Hélène de Fougerolles est persuadée de « tordre le cou à des clichés ». Et d’alléguer le couple Macron : « Il est scandaleux que la première dame se fasse encore beaucoup critiquer à ce sujet. »

Mais au couple présidentiel la fable télévisée ne ressemble guère. Et ce n’est pas seulement parce que la comédienne a plus d’atouts pour inspirer du désir à un jeune homme qu’une première dame dont le style cagot faire rire le monde depuis trois ans. Dans ce dernier cas, la différence d’âge n’entre pas seule en ligne de compte ; la psychanalyse ne manque pas de matière pour s’interroger sur la constitution mentale d’un homme qui a symboliquement épousé sa mère – un maître et une seconde mère. Mais de liaisons de femmes mûres avec de jeunes hommes, il y a toujours eu pléthore, et on en trouvera trace aussi loin que portent l’adultère et la littérature – les dix ou douze ans qui peuvent séparer Julien Sorel de Mme de Reynal valent bien vingt d’aujourd’hui.

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“Le féminisme et ses ennemis”, remarques à la marge sur une paranoïa ordinaire

“Le féminisme et ses ennemis”, remarques à la marge sur une paranoïa ordinaire

Dans sa recension d’un ouvrage collectif intitulé Antiféminismes et masculinismes d’hier et d’aujourd’hui (Puf, 2019), un article de La Vie des idées du 18 novembre signé Tristan Boursier (Cevipof) livre un condensé éloquent de l’aplomb académique inspiré par le préjugé militant.

Les lignes qui suivent ne font que commenter cet article de LVDI[1], qu’il est recommandé de lire avant pour leur bonne compréhension.

Dès le titre de l’article notre recenseur et chercheur (Sciences Po Cevipof) prête d’emblée des « ennemis » à la matière qu’il défend. Pourquoi cet apparat guerrier ? « Contradicteurs » ne conviendrait-il pas mieux ? Ce serait pour l’auteur déjà accepter de discuter leurs raisons. Scrupule superflu avec un ennemi : on le combat, et dans la joute intellectuelle le combat se résume souvent au discrédit et au procès d’intention.

Et l’on devine que va de soi pour lui la portée heuristique du terme « masculinisme ». Terme impropre, le dira-t-on assez. (Se calant sur « féminisme », il faudrait parler de masculisme, ou opter pour fémininisme. Ce barbarisme nous vient du Québec, d’où sont originaires deux des codirecteurs de l’ouvrage recensé, sous l’influence de l’anglais : ce n’est pas dans les départements de pseudo-science genriste qu’on s’attend à trouver les Québécois les plus soucieux de préserver leur souveraineté linguistique.) Mais terme surtout polémique, qui vise à embarquer dans une logique militante opposée toute critique de l’idéologie féministe, à instituer toute raison contradictoire en idéologie hostile. Bref, un terme qui vise à s’inventer et à dénoncer des ennemis.

Poursuivons avec l’article de Tristan Boursier.

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#ÀNotrePlace : nanar et lapsus

#ÀNotrePlace : nanar et lapsus

Le film de “Ni Putes ni Soumises” sur le harcèlement de rue est une démonstration presque éloquente. De ce dont il ne parle pas.

 

Quel intérêt du témoignage d’un homme pour juger de la drague lourdingue à laquelle peuvent être exposées les femmes (du moins certaines) ? Les féministes de NPNS seraient-elles si timides qu’elles croient qu’un témoignage de femme ne suffit pas aux hommes ? Qu’il fallait celui d’un homme pour accréditer le leur ? Que le leur a trop souvent manqué à la sincérité pour mériter le crédit du sexe opposé ? Horresco referens.

Et pourquoi un homme déguisé en femme ? Elles pouvaient s’adresser plus sûrement à quelque damoiseau hétéro et le promener dans des milieux gays. Mais tel est le scénario.

Le film, lui, laisse perplexe.

D’abord, il y a l’apparence de ce garçon déguisé en fille, dont la taille et la dégaine laissent trop paraître l’insolite du trans, sous une féminité maladroitement appuyée, un insolite qui ne peut qu’attirer les regards, plus que ne les attirerait une jeune femme élégante dans les mêmes situations. Pas étonnant que les regards soient d’un poids singulier dans la perception de l’intéressé. (En les interprétant tous comme le considérant comme « un morceau de viande », l’acteur s’avance un peu inconsidérément, au-delà de ce qu’il nous a donné à voir – ou c’est que le texte du commentaire a été mieux appris que celui du film.)

Du reste, s’il avait été déguisé en vieillard ou en moine tibétain, il n’aurait pas évité de ressentir différemment d’à l’habitude le regard des autres sur lui, le « poids du regard », sans qu’y soit entrée aucune dimension sexuelle. Regard plus ou moins bienveillant, selon l’habit et les lieux traversés dessous. Et selon la façon de s’y conduire soi-même : le déguisement, comme le rôle de composition, expose plus qu’il ne protège quand il n’est pas bien porté.

Mais ce que montre surtout ce film, c’est le non-dit des « statistiques » sur le harcèlement à caractère sexuel.

On aimerait connaître le détail de l’itinéraire de cette folle journée, et les critères qui ont présidé au choix des lieux fréquentés. Ils ne sont pas tous équivalents, sous le critère de la familiarité avec les inconnus, de l’autre sexe ou pas, ou quel qu’en soit le sexe. Choisir un bar de nuit ou une brasserie à 13 heures, ce n’est pas le même scénario, selon qu’on vise à constater ou dénoncer des lourdeurs de drague. Choisir la région parisienne ou la province, la métropole ou la petite ville, non plus, etc.

« Ni putes ni soumises » se défend d’avoir visé à montrer ce qui ressort immédiatement du film en dépit des floutages (qui ne gomment ni l’allure ni l’élocution !) : la population des supposés harceleurs de rue, jeunes hommes de milieux populaires, est très ethniquement typée. Exemplaire ligue de vertu, elle n’y a pas visé, c’est certain, on lui en fait volontiers crédit. Mais elle y est bien parvenue.

Et revoilà notre syndrome de Cologne. La misère sexuelle agressive et sans filtre de jeunes mâles qui portent en eux les débris de sociétés patriarcales du sud de la Méditerranée, et dont on s’interdit de relever les traits communs – rien de neuf –, mais qu’on ne s’interdit pas d’aller piéger en caméra cachée à la mesure de l’estime intersectionnelle qu’on leur porte, qui sent beaucoup son mépris de classe.

Jamais avare d’une édifiante maladresse, le secrétariat à l’Égalité femmes-hommes de l’impayable Marlène Schiappa met à profit la sortie du nanar pour se féliciter de ses « 894 contraventions pour outrage sexiste ». Huit cent quatre-vingt-quatorze, ça ne suffit pas pour esquisser une typologie des « harceleurs de rue » ? Pas sûr que toute la gent masculine se projette #àleurplace.

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Des “frotteurs” dans les têtes

Des “frotteurs” dans les têtes

Personne ne les voit, mais ils sont partout. L’objet du scandale a autant de substance que dans les sociétés rurales les fables sur l’empoisonnement des sources ou les meurtres rituels. Mais l’inclination est immémoriale. Le parti de la peur aurait tort de s’en priver.

 

Il est remarquable qu’en dehors du contexte téléguidé des enquêtes sur « les violences faites aux femmes », les recherches portant sur les transports publics n’avaient jamais mis spécialement en évidence leur particulière dangerosité au titre de la délinquance sexuelle, ni décelé l’existence de la vaste confrérie des frotteurs. L’hystérisation de l’opinion publique depuis le fait divers hollywoodien dit affaire Weinstein a changé la donne.

“N’hésitez pas à donner l’alerte”

Depuis mars 2018, la RATP diffuse ainsi dans les stations ce message sonore : « Si vous êtes témoin ou victime d’un harcèlement sexuel, n’hésitez pas à donner l’alerte auprès de nos agents, en utilisant une borne, etc. » « N’hésitez pas » ! Ce ton urbain involontairement cocasse s’explique sans doute par la volonté d’intéresser dans la même phrase non seulement les victimes, par l’encouragement à surmonter la commotion de l’agression, mais aussi les témoins, alors qu’il tend plutôt à les dissuader d’intervenir eux-mêmes (pour commencer, chercher la borne…). Lire la suite

Qu’est-ce que le “sexisme” ?

Qu’est-ce que le “sexisme” ?

« Notre société entière » est « malade du sexisme », déclarait doctement le 25 novembre 2017 Emmanuel Macron, avec l’accent d’indignation seyant aux circonstances. On savait de la même source les Français fainéants, les voilà mieux qualifiés, en fainéants sexistes.

Au-delà de l’inclination de ce président de la République à l’injure, collective ou individuelle (Pierre de Villiers), son diagnostic péremptoire, qui fait écho au système de croyance tissé dans les esprits par le néoféminisme, gagnerait à s’étayer d’une définition. (Ou ne gagnerait rien, après tout, ce n’est que gesticulation politique.)

Pour le dictionnaire Trésor du CNRTL, le sexisme est « Péj. [Gén. dans le lang. des féministes] » une « attitude discriminatoire adoptée à l’encontre du sexe opposé (principalement par les hommes qui s’attribuent le meilleur rôle dans le couple et la société, aux dépens des femmes reléguées au second plan, exploitées comme objet de plaisir, etc.) ». Pour le Larousse, plus sobrement une « attitude discriminatoire fondée sur le sexe ».

Le Trésor prend acte que n’y entrent pas les interdictions fondées sur le sexe qui sont opposées aux hommes (festival Cineffables , Nuit debout, réseaux professionnels féminins, etc.) : le mot s’entend « généralement dans le langage des féministes ». C’est ce qu’on appelle entériner l’usage. Et la définition du Larousse, qui affecte de l’ignorer, sonne curieusement à nos oreilles tellement habituées à la préemption du mot par l’idéologie.

Car avec le féminisme, le sexisme n’est pas ce qu’avec une placide neutralité dénote ce dictionnaire. Il est « systémique ». Et par conséquent unilatéral, un même « système » ne pouvant produire qu’un type de rapport inégal entre les sexes.

Tout homme qui, d’une façon ou d’un autre, exprime la différence sexuée dont il est porteur – expression de goûts, de désirs – par le geste ou la parole, est en situation d’illustrer le « sexisme » systémique.

Il n’y a pas d’échappatoire, pas de liberté, ni pour lui ni pour sa partenaire. Seul le grand soir féministe qui aura aboli le « système » (on ne sait pas comment) les affranchira l’un et l’autre de ce « rapport de domination » essentialisé.

Le « sexisme » est l’élément de langage d’une prédication.

Nathalie Haddadi, Andromaque bafouée

Nathalie Haddadi, Andromaque bafouée

Aimer son fils, il y a des limites. La 16e chambre du tribunal correctionnel de Paris s’est fait fort de les énoncer.

Le 28 septembre, Nathalie Haddadi, quarante-trois ans, salariée dans le secteur privé, a été condamnée à deux ans de prison ferme pour avoir « financé le terrorisme ». Trois semaines plus tôt, le ministère public avait requis dix-huit mois. Le procès a ainsi vu le triomphe de la raison antiterroriste. De quoi s’agissait-il ? Du procès de l’amour d’une mère.

Nathalie Haddadi a payé des billets dʼavion à son fils radicalisé qui sortait de prison en novembre 2015, alors quʼil était visé par une interdiction de sortie du territoire ; billets pour lʼAlgérie puis pour l’Extrême-Orient, et elle lui a fait parvenir 2 800 euros alors qu’il se trouvait en Malaisie, d’où il aurait rejoint la Syrie, pour y mourir dans l’été 2016.

Ce jugement, par sa sévérité, n’en dit pas seulement long sur la paranoïa d’État justifiée par la lutte antiterroriste, autrement illustrée par l’accumulation de mesures d’urgence dans la loi ordinaire.

Il en dit long aussi sur la dégradation, l’insidieux mépris collectif, où a glissé au fil des ans, en un long et complexe abandon, la figure maternelle. Paradoxale disparition, alors que s’insinue partout dans nos vies l’inquisition de l’État-Maman ? Plutôt corollaire implacable : l’État assume les fonctions maternelles dont il affirme libérer la femme (au point qu’il en est venu, lors de la précédente législature, à réduire la durée du congé maternité au nom l’« égalité femme-homme », couvert qui n’était pas que le faux nez de raisons budgétaires). L’État materne, et dès lors l’amour maternel ne pèse plus rien face aux raisons d’État. Lire la suite

« Les hommes peuvent-ils être victimes de violences conjugales ? »

(article relayé depuis le blog d’Isoudw, https://isoudw.com/2017/04/10/les-hommes-peuvent-ils-etre-victimes-de-violences-conjugales/)

““““

Il y a peu, j’ai assisté à une campagne de sensibilisation sur le harcèlement de rue. Il s’agissait d’une projection de différents scénarios avec des questions à choix multiples auxquelles nous étions invités à répondre. Dans un effort de politesse et de curiosité, je me suis prêté au jeu. Hélas, au fur et à mesure […]

via Les hommes peuvent-ils être victimes de violences conjugales ? — Isoudw

Écart de salaire et risque sanitaire (dans l’inconscient féministe des journaux)

Écart de salaire et risque sanitaire (dans l’inconscient féministe des journaux)

Quand il s’agit du catéchisme des inégalités-de-genre-au-travail, la presse économique de référence a des références trop pressées.

Dans leur édition du 14 juin 2017, les Échos publient un discret mais éloquent téléscopage des implicites féministes qui formatent les esprits.

Page 4, un article consacré à l’embauche des jeunes diplômés des grandes écoles se conclut, après l’intertitre alarmiste « Inégalité hommes-femmes », par le constat hâtif que dans la « promotion 2016 des diplômés l’écart de salaire entre un homme et une femme diplômés de la même école de management est de 2 000 euros ». Ce qui ne fait qu’enregistrer un effet structurel des différences de fonctions auxquelles les jeunes managers de l’un et l’autre sexe ont choisi de postuler – plus commerciales et financières pour les hommes, plus juridiques et marketing pour les femmes –, alors que les perspectives de gain y sont diverses (pour des raisons propres au génie du capital et on ne peut plus indifférentes à l’entrejambe), est proposé par la rédactrice à l’indignation du lecteur en suggérant qu’il y a là « inégalité » de traitement à travail égal. Quand il n’est pas égal.

Sur le sujet, les journaux sont pleins de ces raccourcis, mais il était particulièrement plaisant, ce 14 juin, de trouver en vis-à-vis page 5 dans le même quotidien le chapô d’un papier « santé » sur le risque cancérigène auquel les salariés sont exposés : « Les hommes et les ouvriers sont les plus concernés. » Le texte qui suit le précise : 75 % des salariés exposés sont des hommes. Mais là, le rédacteur ne tombe pas dans le piège du raccourci ; il n’est pas question d’« inégalité » au détriment des hommes. Qui pourrait concevoir pareille idée ?

Pourtant, toute pondération considérée (proportion d’actifs par sexe, etc.), le fait que les hommes occupent plus que les femmes les professions les plus dangereuses résulte bien plus, s’agissant d’ouvriers, de contraintes qui les dépassent que d’un choix de carrière. Surtout si l’on compare les parts respectives pour eux de l’appétence et de la contrainte avec les positions sur le marché du travail de jeunes manageuses fraîchement émoulues d’une ESC.

Suggérons aux deux journalistes des Échos une enquête à quatre mains sur ce thème : comment se fait-il que les hommes occupent plus que les femmes à la fois les professions les plus lucratives et les plus dangereuses (pour la santé ou l’intégrité physique) – qui sont parfois mais rarement les mêmes –, et occupent aussi les plus lucratives parce que les plus associées à une prise de risque (hors risque sanitaire) ?

Bébés secoués et pudeurs ménagées

Bébés secoués et pudeurs ménagées

C’est en « changeant le regard que la société porte sur les violences faites aux enfants, qu’elles reculeront », affirme vertueusement l’État. Des œillères dont lui s’est affublé, il est moins question.

Le gouvernement a annoncé le 1er mars 2017 un plan de trois ans contre la maltraitance des enfants[1]. Il s’articule en quatre axes : « Améliorer la connaissance et comprendre les mécanismes des violences » ; « Sensibiliser et prévenir » ; « Former pour mieux repérer » ; « Accompagner les enfants victimes de violence ».

Au premier chef, les pouvoirs publics s’alarment de la sous-estimation du nombre d’ « homicides d’enfants liés à des violences intrafamiliales », « notamment pour les nourrissons ». Mais s’il met l’accent sur le plus bas âge, avec l’annonce de la «­systématisation des examens post-mortem en cas de mort inattendue des nourrissons » (mesure 2), dans sa communication pesée au trébuchet de la doxa féministe, il s’emploie à gommer tout ce qui pourrait éveiller l’idée qu’à cet égard la violence féminine n’est pas moins aux premières loges que celle des hommes. La chronique des faits divers serait-elle trop susceptible de documenter plus précisément le faible nombre d’infanticides recensés (« En 2015, ce sont 36 enfants qui ont été tués dans le cadre de violences au sein du couple », lit-on page 7 du Plan) ? On attend les statistiques « genrées » sur les infanticides, et de sérieuses, qui fassent le partage entre le crime et l’accident. Car à cet égard, l’amalgame est à la fête dans le plan gouvernemental, alignant le chapitre des violences sexuelles (mesure 9) et celui des « bébés secoués » (mesure 10)[2].

L’intitulé initialement équivoque, et politiquement critiqué par les ligues féministes, du portefeuille de Mme Rossignol, négationniste acharnée de la violence féminine, lui est ici d’un grand secours : la « ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes » est plus à son affaire sur ce sujet en invoquant vaguement le cadre « intrafamilial ». Et s’offre de surcroît d’amalgamer a priori la maltraitance des enfants aux « violences faites aux femmes » avec une mesure (n°14) qui prévoit de « Renforcer les liens entre le 119 et 3919 » : « Les écoutant.e.s [sic] du 119 [numéro vert à disposition des enfants victimes de violences] seront formé.e.s [id.] au questionnement systématique et aux questions des violences faites aux femmes [numéro vert 319]. »). Pourquoi pas en effet, si cela peut aider à prévenir, mais où s’adressera le père inquiet d’une dérive de sa compagne ou ex-compagne à l’endroit de leurs enfants ? Comme si les phénomènes de décomposition familiale, de fuite devant la responsabilité parentale, de fuite de soi-même par la violence contre la reproduction de soi que figure la progéniture, ne pouvaient happer l’un ou l’autre parent. Mais comme si, particulièrement, le refus de l’enfant nouveau-né ne ressortissait pas d’abord à un état de crise maternel.

[1] http://www.familles-enfance-droitsdesfemmes.gouv.fr/plan-interministeriel-de-mobilisation-et-de-lutte-contre-les-violences-faites-aux-enfants-2017-2019/

[2] Sans citer ses sources, un blog spécialisé sur le sujet (http://bebesecoue.canalblog.com/) en accuse les pères dans 50 % des cas et en exempte entièrement les mères (pas les nounous), même s’il a l’honnêteté d’observer que la « première raison, lors d’un jeu avec l’enfant », est accidentelle. Donc non assimilable à la maltraitance criminelle.

“Enlevé par son père”

Enlevéparsonpère_retLes 19 et 20 août 2016 s’est jouée une « alerte enlèvement » aux attendus bien à la mode du moment : un père, c’est dangereux.

L’« alerte enlèvement » diffusée le 19 août 2016 par le site gouvernemental Alerte-enlevement.gouv.fr a été largement relayée par les « partenaires médias » du « dispositif », selon le terme du ministère de la Justice.

Elle apprend au public que « Nathael, un jeune garçon de 9 ans, type européen, 1,25 m, corpulence mince, cheveux clairs, yeux noisettes, a été enlevé par son père ce matin entre 0h00 et 4h00 à Romenay (71) », qu’il est « vêtu d’un bas de pyjama et d’un tricot », et qu’il est « accompagné de son père ». De celui-ci, l’alerte livre les nom et prénom Lire la suite

Espérance de vie

Espérance de vie

L’espérance de vie des cadres, calcule l’Insee[1], excède celle des ouvriers de six ans chez les hommes, mais de seulement quatre ans et demi chez les femmes. Ce n’est pas seulement qu’en bas de l’échelle le travail expose à plus de maux[2], mais que moins les gens sont diplômés, moins ils sont enclins à consulter la faculté pour dépister les maladies que l’âge amène ou précipite.

L’auteur de la note met un bémol en observant que « l’espérance de vie des ouvrières est supérieure d’un an à celle des hommes cadres », et que l’écart entre diplômés et non diplômés est nettement plus important chez les hommes que chez les femmes.

Suppléons sa timidité à présenter les données de façon agrégeant la niveau de diplôme et le sexe : les femmes sont plus diplômées, et l’on entend assez dire que ce serait sans bénéfice sur le marché du travail ; mais en termes d’espérance de vie, l’écart entre les cadrettes et les bleus de chauffe est de huit ans.

Pas de quoi inspirer un titre de journal ?

[1] Insee Première, Nathalie Blanpain, http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=0&ref_id=ip1584

[2] « Les natures mêmes des professions exercées expliquent en partie ces écarts.”

Jean-Claude Kaufmann, sociologue du demi-couple

Jean-Claude Kaufmann, sociologue du demi-couple

Avec Piégée dans son couple, le « sociologue de l’intime » fait preuve d’une tranquille, sinon étonnante désinvolture.

Parce qu’il a eu « beaucoup de mal à trouver des témoignages d’hommes » (le Figaro du 18 mars 2016), Jean-Claude Kaufmann bat l’estrade avec un essai sur le couple[1] où il n’appuie son propos que sur celui des femmes. Lire la suite

La saturnale des “bruns” (note sur l’herméneutique féministe de Cologne)

La saturnale des “bruns” (note sur l’herméneutique féministe de Cologne)

Le 8 mars, date désormais revêtue de la prééminence dans le calendrier du marketing idéologique, revêt en 2016 une importance particulière pour les tenants de la doxa, après les événements de Cologne. Car ils en ont mis en jeu les fondements mythologiques.

Avec l’implication quasi exclusive de populations immigrées d’origine arabo-musulmane à dominante maghrébine, selon les rapports de police[1], les agressions qui ont marqué le réveillon allemand ont pris de court le plus visiblement les gauches morales du féminisme et de l’antiracisme, mais au-delà de ces franges les plus politisées, c’est tout le confort axiologique du féminisme qui en a été affecté, ne lui laissant d’autre option que l’amalgame.

Le 18 janvier, un « collectif » d’organisations tenait ainsi à Paris un rassemblement dénonçant « les violences faites aux femmes, le sexisme, le racisme » où la posture avantageuse du refus de toute « récupération » pour « discréditer la politique d’accueil des réfugiés » faisait figure de clause de style avant cette réformation principielle : « En aucun cas les violences faites aux femmes n’ont à être instrumentalisées ! Elles ont lieu dans tous les pays, dans tous les milieux, dans tous les espaces. »[2]

En somme, si révoltant que ce soit, il ne se serait rien passé que d’ordinaire auquel l’événement s’amalgame.

Or les témoignages sur l’atmosphère qui régnait autour de la gare de Cologne (le Monde du 21 janvier 2016) laissent assez voir que le phénomène de foule qui se jouait là était d’une autre nature que ce qui réunit ordinairement les bandes affinitaires ou vicinitaires de jeunes mâles en rut.

Et la thèse policière d’un genre d’émeute délibérément organisée fait figure de bricolage ad hoc.[3]

Ces hommes, souvent mûrs, étaient trop nombreux pour ne pas être anonymes les uns pour les autres. Leur communauté de condition (« des hommes bruns », dit une rescapée citée par le Monde) ne fait guère de doute et rien ne va mieux l’attester que les efforts et les mensonges de la police locale pour le cacher : tous arabo-musulmans, la plupart « nafris », maghrébins mais demandeurs d’asile et assimilés aux « réfugiés Merkel ». Et tous sexuellement frustrés. Prêts à s’abuser d’une apparence de carnaval.

Il ne reste pas grand-chose en Europe, du renversement périodique et grotesque des normes et des hiérarchies, qui renvoie aux saturnales romaines et à leur parfum de foutre. Quelques villes de carnaval en entretiennent le souvenir plus ou moins spectral, Cologne, donc, plus bruyamment que Nice, mais il n’est pas toujours besoin d’attendre mardi gras pour apercevoir l’ectoplasme ; l’ordre social alloue aux pulsions dionysiaques quelques brefs moments très encadrés lors de fêtes profanes, comme en France le bal du 14-Juillet, ou telle « fête » locale que ses acteurs ont assez légitimée pour ce faire, ou réveillon du 31 décembre.

S’il ne manque qu’une observation au dernier roman de Houellebecq, c’est qu’en sa répugnance grandissante à risquer symboliquement l’ordre du monde, l’Occident et son esprit de sérieux finira pas être mûr pour la conversion. Car l’islam a instauré depuis longtemps la civilisation la plus acharnée à interdire, prévenir, compenser ou réprimer le désordre carnavalesque, la suspension du jugement moral, la décompression. La pression sociale à l’inverse, toujours chez lui identifiable à la volonté unie de son Dieu lointain mais vétilleux, ne souffre pas d’intermittence, a fortiori pas de rupture. Sinon la rupture du jeûne arrosée de soda. Pauvre soupape.

La rencontre soudaine, à la défaveur d’une migration subie, avec l’égalité des sexes, la mixité du quotidien et des lieux publics, la relative permissivité qui prévaut en Europe, en même temps qu’avec la prééminence symbolique et morale qu’y occupent les femmes, n’a pas laissé à ces hommes le temps d’un commencement d’acculturation. Tout les égare. A Cologne, la réinterprétation empirique, dans leur imaginaire inégalitaire sous le critère du sexe, de l’apparence de désordre des mœurs va les conduire au même moment dans un même lieu, avec les mêmes dispositions. Il ne leur aura fallu qu’un signal.

Ce signal, c’est le 31 décembre et ses promesses, le seul événement festif à caractère un tant soit peu transgressif qui se soit universalisé, et jusqu’en terre d’islam, où à défaut d’occasionner de grands chahuts il rend plus tangible à ses ressortissants (au spectacle télévisé du vacarme qu’il fait ailleurs) ce que cette culture porte d’ennui et de résignation.

Le 31, fête mondialisée, fête aussi de la mondialisation. Or de cette société mondiale de la marchandise, dont le 31 célèbre la joie avec ce qu’il faut de rots et d’obscénités, les « réfugiés » à majorité musulmane sont les ilotes, et les Allemands les maîtres (parmi d’autres s’entend).

Les esclaves aujourd’hui, ce sont ceux que la guerre ou la misère déracinent et dont le sort dépend du bon vouloir des Etats hôtes. Une sourde rumeur s’est répandue parmi eux que dans cette ville, et ce jour, leur frustration serait fugitivement allégée. Qu’ont fait les « hommes bruns » du 31 décembre ? Ils ont renversé la hiérarchie habituelle entre les hommes de la façon la plus transgressive, la plus carnavalesque : en s’en prenant aux femmes de leurs maîtres.

Pourtant l’interdit pèse, il s’énonce dans un langage dont ils ignorent le code, mais il n’est pas absent. Les « hommes bruns » savent que ces femmes ne sont pas les leurs et que la loi les protège. Une loi, du moins. Mais une norme qu’ils ont assez intériorisée et qu’ils partagent assez entre eux pour que demeure bridée la dynamique d’une violence de foule, de ce qui aurait été une émeute sexuelle. La transgression ne sera pas collectivement assumée. Si nombreuses qu’elles seront, les agressions sexuelles, au regard de la foule que la même pulsion travaille, seront sporadiques.

La presse de droite[4] montera en épingle les propos lénifiants de la mairesse de Cologne sur la « distance d’un bras », pour conclure que le féminisme cède le pas au tiers-mondisme … Mauvaise pioche. Si l’opinion féministe rechigne à nommer les agresseurs pour ce qu’ils sont, ce n’est pas tant par scrupule « antiraciste » que par crainte de perdre sa principale raison d’être : la fable d’un « patriarcat » persistant dans le monde occidental.

Le « pas-d’amalgame » (des migrants aux agresseurs) n’est qu’alibi. Au-delà de la commisération pour les victimes des agressions, ce que le féminisme déplore est que l’événement ne se soit pas plié à la raison idéologique, et même qu’il la démente : les agresseurs, au moins une partie significative d’entre eux, auraient dû être allemands[5].

D’où l’importance pour les groupes féministes ultras, d’abord enclins à la prudence, de réaffirmer la force de slogans affirmant la consubstantialité du féminisme et de l’antiracisme[6]. Gentiment encouragés depuis les palais nationaux à faire un peu de bruit pour conjurer le risque de « dérive xénophobe », OLF et autres sectes auraient de toute façon dû se résoudre à sortir du bois, pour réaffirmer la faute primordiale du mâle occidental. Heureusement que le 8 Mars y pourvoit d’abondance.

 

[1] http://www.lefigaro.fr/international/2016/01/12/01003-20160112ARTFIG00267-cologne-la-police-designe-des-delinquants-maghrebins.php.

[2] Les termes typiques employés par ledit collectif, repris par exemple sur https://effrontees.wordpress.com/2016/01/16/cologne-contre-les-violences-faites-aux-femmes-contre-le-sexisme-contre-le-racisme.

[3] Si la pensée magique s’est déployée surtout à gauche dans l’affaire de Cologne, les tentatives de manipulation de l’opinion ne s’y sont pas limitées. Il a aussi fallu à ceux que la passion féministe laisse plus froids trouver une cause agissante, et rassurante, à des événements d’une radicalité profonde (si l’on veut bien excuser le pléonasme). Les services de police ont ainsi inventé des « réseaux criminels marocains » qui auraient prémédité et organisé un harcèlement de masse à la manière du « taharrush gamea » des foules de la place Tahrir au Caire. Ou la pègre saisie par le goût de la publicité…

[4] Valeurs actuelles, prompt à en faire son miel.

[5] Or tout au plus la police annoncera-t-elle à la mi-janvier, dans un décompte hautement sujet à caution, que parmi une trentaine de suspects arrêtés figurent « un Serbe, un Américain et trois Allemands » (www.huffpostmaghreb.com/2016/01/13/cologne-marocains-algeriens_n_8968738.html).

[6] Cf. par exemple la pathétique visée théoricienne de Jules Falquet, « La “Nuit du 31 décembre 2015” en Allemagne et ses effets en France : Diviser les opprimé-e-s, tant qu’illes [sic] se laissent faire » in Mouvements, 5 mars 2016 (http://mouvements.info/la-nuit-du-31-decembre-2015-en-allemagne-et-ses-effets-en-france-diviser-les-opprime-e-s-tant-quilles-se-laissent-faire/) : «Au même moment, d’autres hommes, en Allemagne et ailleurs, ont pu, comme chaque année et comme chaque jour, exercer toutes sortes de violences sexuelles routinières, dans les établissements scolaires, les lieux de travail, les maisons ou les rues. (…) Les hommes blancs ont raison d’avoir des craintes. Si les femmes blanches et les hommes racisés s’unissaient et, plus largement même, si l’ensemble des femmes et l’ensemble des racisé-e-s s’unissaient, leur règne serait bien compromis. »

Loi Rebsamen, effets pervers en vue

Loi Rebsamen, effets pervers en vue

Tandis que les officines féministes rivalisent 1 pour dénoncer les dispositions – plutôt raisonnables – du projet de loi « Rebsamen »2 visant à simplifier les « obligations d’information et de consultation » dans les entreprises, une autre mesure du même texte, authentiquement pernicieuse elle, ne suscite apparemment pas tant d’inquiétudes.

Elle le devrait pourtant, parmi l’ensemble des organisations syndicales, et des inquiétudes d’un autre ordre.

L’« obligation de représentation équilibrée entre femmes et hommes sur les listes des élections professionnelles » prévue par le ministre du Travail va en effet compliquer la composition de listes libres et indépendantes par les organisations syndicales. Lire la suite