« Stéréotypes », remarques sur un idéologème – 1. Le féminisme des intellectuels

« Stéréotypes », remarques sur un idéologème – 1. Le féminisme des intellectuels

Les choix d’orientation des femmes persévérant à déterminer une répartition des métiers et des fonctions dont l’effet est, in fine, une infériorité salariale en moyenne, il fallait que le féminisme trouve une parade. La « lutte contre les stéréotypes » est la réponse de la doxa à cette rébellion du réel.

Le 4 août 2014, la loi « pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes » hissait au rang des priorités nationales le « recul des stéréotypes sexistes » – chargeant entre autres le CSA d’une mission de surveillance et de sanction des contenus audiovisuels1. Après la constitution du « HCEfh », entité dont le budget2 semble largement affecté à leur dénonciation, les « stéréotypes » devenaient ainsi l’un des référents négatifs majeurs de la parole et de l’action publiques, et du kit de qualification du mal (« terrorisme », « populisme », « addiction », « xéno/homo/islamo-phobie », etc.). Le 19 mai 2015, le ministre du travail François Rebsamen annonçait dans le cadre d’un assez velléitaire « plan de lutte contre les discriminations en entreprise » (nouveaux indicateurs, valorisation des bonnes pratiques, études ad hoc…), le lancement prochain d’une « grande campagne de sensibilisation auprès du grand public sur le thème de la lutte contre les stéréotypes ».

Quel est donc cet objet de la propagande ? Le présent propos est de déconstruire la notion de stéréotype, en la soumettant à quelques questions simples. En quoi se différencie-t-elle ? Depuis quand est-elle apparue ? Comment une société préoccupée d’elle-même et de sa représentation a-t-elle pu être tenue si longtemps dans l’ignorance qu’elle était agie par des stéréotypes ? D’où émane l’énoncé de la « lutte contre les stéréotypes », quels intérêts engage sa promotion dans le discours étatique ? Où s’étend son domaine ? Lire la suite

La querelle du ménage – 1. Les montres molles d’Erfi

La querelle du ménage – 1. Les montres molles d’Erfi

 « Nous assumons l’immense majorité des tâches ménagères », écrivaient en 2011 les « 343 » de Libé [1] . Avec la tâche ménagère on touche au noyau dur de la complainte féministe, à ce qui repose sur le plus large consensus, et sur les études les moins discutées. Celles qui méritent par conséquent le plus de l’être. La présente section s’appuie sur les deux principales enquêtes récurrentes, émanant d’organismes publics, qui abordent le sujet, et sur des travaux qui en sont dérivés : l’Étude des relations familiales et intergénérationnelles (Erfi) et l’enquête Emploi du temps. Brèves histoires de temps. Le présent article traite de la première.

L’Étude des relations familiales et intergénérationnelles (Erfi, Ined-Insee)[2], l’une des principales sources, avec l’Enquête emploi du temps de l’Insee, des travaux sur les tâches ménagères et familiales, est menée parmi les personnes vivant en couple. D’emblée, il faut souligner, à l’encontre de l’utilisation partisane outrée qui peut en être faite, que les résultats qu’elle livre invalident l’expression « immense majorité » du manifeste des « 343 ». Des « tâches ménagères » dont elle examine la distribution entre conjoints (« préparation des repas », « vaisselle », « aspirateur », « repassage », « tenue des comptes », « courses alimentaires », ainsi qu’une mystérieuse rubrique « organisation de la vie sociale du ménage / invitations »), seul le repassage est selon elle un attribut exclusif pour une très nette majorité (66 %) de femmes. Les autres sont à forte participation masculine, même si cette participation paraît intermittente pour la « tâche » repas.

Reste que l’enquête Erfi est trompeuse, parce que portée à sous-estimer les contributions domestiques (ménagères et parentales) des hommes [3]. Cette sous-estimation est le produit de biais tenant à la fois aux conditions et aux présupposés de l’enquête, à ce qu’elle met en avant et à ce qu’elle ignore. La mesure est faussée, mais de façon univoque.

Biais de conditions d’enquête

Réalisée auprès d’un échantillon presque paritaire[4], Erfi est une enquête de type « déclarative ». Elle se fonde sur des entretiens, menés selon un protocole invariable, qui favorisent les interférences dues à l’appréciation subjective. Son exploitation ne fait pas, chez ses commentateurs, l’objet de recoupements avec d’autres sources.

Les déclarations reflètent-elles fidèlement les pratiques ? C’est tout le présupposé d’Erfi, Lire la suite

Le plafond de verre et autres fables – 1. Impossible discrimination

Disparité, inégalité, discrimination au travail : de ces glissements de sens ad hoc, l’idéologie fait son miel.

L’égalité salariale des sexes est dans le droit et nul ne la conteste, mais il est utile au féminisme de faire accroire que la contrecarre une hostilité résolue. Pour la briser, il en appelle à la férule de l’État : « Des mesures doivent être prises rapidement, écrivaient ainsi les 343 pétitionnaires du « manifeste » du 2 avril 2011, pour garantir l’égalité dans l’emploi, en faisant reculer la précarité du travail des femmes et en imposant l’égalité salariale. » Quelles mesures ? On devine qu’il faudra-faire-en-sorte-que. Et l’on note que la précarité du travail n’appelle pas en soi de « mesures », si elle ne touche spécialement les femmes – comme si aucune ne souffrait aussi de la dévalorisation des tâches, de la déflation salariale, de la fragilisation contractuelle qui affectent leurs parents ou compagnons.

« Nous touchons, poursuivaient les « 343 » de 2011, des salaires ou des retraites largement inférieurs à ceux des hommes. » L’affirmation ne s’étaie de rien, mais un manifeste n’est pas le lieu de détailler. Voyons alors l’implicite, largement développé par d’innombrables publications militantes (OLF et autres groupes ultra) ou institutionnelles (directions ministérielles, Université, organismes ad hoc…), les unes et les autres ne différant que par le ton qui sied à leur position de discours.

Cet implicite, donc, consiste pour l’essentiel à agiter des chiffres puisés à la grosse louche des « femmes-en-moyenne » ou des « femmes-cadres-en-moyenne », de les opposer à autant d’hommes moyens[1], et d’exhiber ces marionnettes en toute négligence des effets de structure (temps de travail, durée des carrières, secteur, taille de l’entreprise, ancienneté, qualification, nonobstant ceux que néglige l’appareil descriptif mobilisé, en particulier pour ce qui concerne les qualifications, cf. infra.) par quoi s’expliquent les écarts de salaires en moyenne – et dont les combinaisons opèrent à tous niveaux de finesse du marché du travail.

L’Insee, qui publie en bonne rigueur les chiffres que rebat ad nauseam l’idéologie féministe, plutôt que d’inégalités parle de « disparités de salaire ». Ce n’est pas la même chose. Entre les deux, hors effets de structure observés, se tient ce qui (par hypothèse à ce stade) serait résiduellement du domaine de la discrimination, ce qui contreviendrait au principe à travail égal, salaire égal[2].

7 % et non 30

La distribution disparate des hommes et des femmes entre les emplois et niveaux de qualification constitue ces effets de structure, qui font écrire à l’Observatoire des inégalités[3], partant d’un écart moyen des salaires de 27 % (de moins pour les femmes), chiffre ramené ensuite à 19 % (en équivalents temps pleins) puis à moins de 10 % (à équivalence de postes, qualifications, secteurs), que « la discrimination pure est sans doute de l’ordre de 6 ou 7 % » (à équivalence de diplôme, longueur de carrière, situation familiale). Encore rien ne permet-il de dire que ces 7 % n’abritent pas d’autres facteurs structurels négligés (le taux d’encadrement ou l’âge de l’entreprise, par exemple). Ni que, quoi qu’en écrive le dit Observatoire, toutes choses égales par ailleurs et en l’absence de tout effet de structure, une différence de salaire entre deux salariés résulte forcément d’une discrimination – qui suppose une volonté–, ni que, le cas échéant, le sexe en est le seul critère ou même le principal.

Il se pourrait d’ailleurs, à l’inverse, que d’éventuelles inégalités sinon des discriminations par le sexe, dans cette bouteille à l’encre des « 6-7 % », soit sous-estimées, en cela que les « 27 % » d’écart en moyenne générale, tous effets de structure inclus, résultent d’un calcul où agissent aussi des inégalités de salaires à l’avantage des femmes.

Quoi qu’il en soit, ce n’est pas autour de ces 7 % que les ultras parlent de « discriminations », mais des 27 %, plus propres à susciter l’indignation, surtout arrondis par commodité à 30 %. Tel est le papillon statistique dont les médias contemplent le plus souvent les ailes.

Oui, mais le temps partiel subi ? Qu’il y en ait est indéniable, qu’il touche les femmes plus que les hommes, hautement vraisemblable (encore que cette précarité ait son pendant dans l’intérim, principalement masculin), mais que cette différence résulte forcément d’une discrimination, cela n’a pas de sens. Quelles sont les situations d’embauche où un employeur, pour une série de postes à temps partiel à pourvoir, voyant se présenter un homme, déciderait de faire exception pour lui et de lui proposer un temps plein ? En réalité, de même que des emplois traditionnellement masculins se féminisent, des emplois réputés féminins s’ouvrent aux hommes, tandis que la précarité et la contrainte des contrats courts gangrènent l’ensemble des bas échelons du salariat, sans plus de considération de sexe – et en tout cas bien moins que de considérations d’âge.

Rien d’étonnant alors si c’est en haut de l’échelle que les écarts de salaires, en moyenne toujours, sont les plus importants – de l’ordre de 30 %, nous dit l’Observatoire – et parmi les employés, « catégorie majoritairement féminisée », qu’ils sont les plus faibles.

Questions éludées

L’Observatoire des inégalités ne se risque pas à explorer l’hypothèse que ce pourrait être aussi parmi les cadres que la « discrimination pure » joue le moins, puisqu’y prévalent davantage qu’en bas de l’échelle la définition précise et la moindre interchangeabilité des postes et des titres. Ni l’hypothèse complémentaire que ce pourrait être parmi les employés que la « discrimination pure » joue le plus (puisque ces emplois sont moins spécialisés que les emplois ouvriers, et partant moins exposés aux effets de structure associés aux qualifications). Cela risquerait fort d’établir qu’il n’y a pas de rapport de causalité entre inégalités statistiques et discrimination.

La moindre représentation des femmes en moyenne des emplois les mieux rémunérés (pas dans tous, certains étant même principalement féminins) ne signifie pas qu’il y ait différence de traitement, inégalité entretenue, entre celles et ceux qui les occupent. Leur moindre accès peut résulter davantage d’une moindre propension que d’une barrière à l’entrée à laquelle se heurteraient celles qui seraient susceptibles de les occuper. Mais cette éventualité n’est à peu près jamais prise en considération dans les études d’emploi et de mobilité portant sur les cadres, et a fortiori sur les autres catégories – ce qui est fort dommageable pour les observatoires de tout poil, puisqu’ils se privent aussi par là de connaître le nombre de vocations féminines injustement contrariées, dans le bâtiment par exemple.


[1]  « L’homme moyen », né vers 1835 du dilettantisme pré-sociologique du mathématicien Adolphe Quételet, a été tout le XXe siècle l’une des pierres de touche des systèmes de pensée totalitaire. Le féminisme, idéologie négatrice du genre humain, n’y déroge pas, quoiqu’il réactive le plus souvent l’homme moyen non comme modèle mais comme faire-valoir négatif.

[2]  L’Insee cède pourtant lui-même au tropisme idéologique dominant quand il écrit qu’« en 2008, une femme travaillant à temps complet gagne en moyenne 19,2 % de moins que son homologue masculin ». Une employée de banque a un homologue, qui gagne plus, autant ou moins qu’elle, c’est à voir. Mais un artefact statistique comme la femme moyenne n’a pas d’homologue.

[3]  www.inegalites.fr/spip.php?article972, source Insee, « déclarations annuelles des données sociales ».

Facteurs structurels négligés des disparités salariales – Propos liminaire

Facteurs structurels négligés des disparités salariales – Propos liminaire

La disparité des écarts de salaires hommes-femmes selon les branches, telles qu’elle ressort de l’enquête Insee-DADS, suffirait à mettre en doute l’hypothèse d’une discrimination culturelle préjudiciable aux femmes qui serait à l’œuvre dans l’ensemble du marché du travail.

Dans quatre conventions collectives de branche, observe la Dares [1] (pour s’indigner qu’il n’en aille pas de même dans les cinquante autres qu’elle passe en revue), « le salaire moyen net des femmes est légèrement supérieur à celui des hommes : activités de déchet (+ 6 %), travaux publics ouvriers (+ 3,5 %), prévention et sécurité (+ 3,4 %) et bâtiment ouvriers plus de dix salariés (+ 3,3 %) ».

Si l’on écarte l’idée d’un féminisme militant gouvernant les politiques salariales dans le BTP et le traitement des déchets, il faut se rabattre sur la recherche des effets de structure susceptibles d’expliquer cet écart Lire la suite

“Gender gap” politique, où en est-on ?

“Gender gap” politique, où en est-on ?

Les intentions de vote en faveur de Zemmour donnent une fausse idée des éventuelles polarisations idéologiques selon le sexe, qui sont pour le moins instables.

De 1965 à 1981, les femmes ont majoritairement voté à droite à la présidentielle comme dans les autres élections nationales, le premier repoussoir du suffrage féminin étant le parti communiste. Mais aux législatives qui ont suivi la première élection de Mitterrand, elles ont à 54 % participé à la « vague rose », et dans les décennies suivantes elles ont continué de favoriser la gauche, au moins relativement dans les scrutins où elles ont moins contribué que les hommes aux succès de la droite considérée globalement, comme en 1993. Considérée globalement, parce qu’il faut alors parler des droites, le Front national ayant pris le relais du PCF comme repoussoir du suffrage féminin et polarisant sur lui seul cette réticence des femmes. En 2007, cette période tend à s’achever : les femmes ont voté pour Sarkozy moindrement que les hommes, mais majoritairement (52 %). Et en 2012, elles ne sont que 51 % à voter pour Hollande, au lieu de 52 % des hommes. La dissymétrie des forces et l’équivoque du positionnement idéologique de Macron au second tour de 2017 brouillent la lecture. Les femmes votent plus massivement (68 %) que les hommes (62 %) pour Macron au second tour, mais l’écart au premier n’était que d’un point pour Le Pen : 21 % chez les femmes et 22 % chez les hommes, du même ordre donc et dans le même sens que dans l’électorat Macron (23,3 % chez les femmes, 24,4 % chez les hommes). Le gender gap se résorbe notablement, s’agissant de la candidate d’un parti repoussoir.

Le cas Zemmour

Considéré à grands traits, le gender gap idéologique est donc sujet à éclipses, et surtout à revirements. Que se dessine-t-il pour 2022 ?

Depuis la fin de l’été 2021 où les sondages ont commencé à considérer sa candidature, le gender gap s’est invité en force dans les commentaires à propos de Zemmour. Les grands médias tout acquis aux mantras féministes ne pouvaient manquer de se repaître des réticences de l’électorat féminin dans les intentions de vote, à l’endroit de l’auteur du Premier Sexe.

Le phénomène est en effet récurrent dans les enquêtes. Celle d’Opinionway[1] donne ainsi un écart de six à huit points d’octobre à décembre entre les intentions de vote des hommes et des femmes. La vague de la mi-décembre donne Zemmour à 12 %, avec 15 % chez les hommes et 9 % chez les femmes. Le gender gap est donc ici considérable, 50 % des intentions de vote[2].

Mais le cas Zemmour ne doit pas occulter le reste.

Selon la même enquête d’Opinionway, le gender gap le plus spectaculaire, le même en proportion, mais portant sur un capital d’intentions de vote plus élevé, concerne Marine Le Pen : donnée à 16 %, elle recueille 20 % chez les femmes et seulement 12 % chez les hommes. Non seulement le FN-RN n’exerce plus d’effet repoussoir spécifique dans l’électorat féminin au premier tour, mais il le fidélise mieux que le masculin. De celui-ci, à comparer avec 2017, entre le quart et le tiers serait apparemment[3] « parti » chez Zemmour.

Au petit jeu des agrégats

Si bien que si l’on tient pour pertinent l’agrégat « extrême droite » constitué des intentions de vote cumulées pour Zemmour et Le Pen (agrégat adopté avec un bel ensemble et plus d’intention polémique que de questionnement critique par les sondeurs et les médias), il apparaît aussi qu’il n’y a pas de gender gap de ce côté de l’échiquier politique. Ou plutôt un petit gap à l’inverse de la présomption commune : 29 % d’intentions de vote chez les femmes et 27 chez les hommes.

Mais Zemmour ne prend pas qu’à Le Pen. Un autre gender gap associé à sa candidature, pour être moins profond n’en est pas moins intéressant. Zemmour a aussi pris des voix du côté des républicains, moins qu’à Le Pen, et moins en décembre qu’à son zénith sondagier de début novembre, mais la structure du vote Pécresse au 15 décembre en porte encore la trace : créditée de 17 % par Opinionway, elle n’est qu’à 15 % chez les femmes mais à 18 % chez les hommes. Il faut ici se souvenir qu’en 2017 le vote Fillon était majoritairement féminin.

Un des atouts de Pécresse dans cette élection sera d’être une femme si elle accède au second tour. Pas au premier, et d’en être une ne sera pas un handicap que si l’empêchement de la candidature Zemmour faute de signatures ramenait toutes les « républicaines » au bercail.

Au fait, pourquoi sont-elles parties chez lui plus nombreuses que les hommes ? Seraient-ils restés plus fidèles à Pécresse parce que c’est une femme séduisante, ou seraient-elles plus nombreuses à la délaisser parce que Zemmour incarne mieux la sécurité à laquelle elles aspirent ?

Et a contrario, qu’est-ce qui a démotivé tant de « gars de la Marine » ? Les plus ultras, les plus « fascistes », les plus machistes, à qui son recentrage a déplu ? Et qui naturellement lui préfèrent un intellectuel juif dont l’héritage politique revendiqué est le RPR Saison 1 ? Il y a zone de turbulence pour les stéréotypes du camp du bien…

Mais qu’en est-il à gauche ?

On l’a dit, le gender gap d’une gauche par présomption plus féminine parce que plus féministe est un lointain souvenir. Et aujourd’hui où toutes les candidatures de gauche ne présentent pas un niveau d’intentions de vote suffisant pour que l’observation par sondage de la répartition par sexe soit aussi pertinente qu’elle l’est à droite, le gender gap concerne pourtant encore un candidat, selon Opinionway : Mélenchon, avec 8 % chez les hommes et 10 % chez les femmes. Elles avaient été un peu moins nombreuses que les hommes à voter pour lui en 2017 (respectivement 19 et 20 %). Un relatif renversement, donc (probablement à mettre en relation avec l’écroulement électoral de LFI dans les classes populaires).

On ne peut résister ici à construire un autre agrégat, moins attendu, celui des intentions de vote pour Mélenchon et Le Pen. Car avec cette addition contre nature (horresco referens) apparaît un gender gap de belle allure : 30 % des femmes pour seulement 20 % des hommes, toujours sur la base des données Opinionway. Autrement dit, une forte apparence que le vote féminin est plus radical.


[1] https://www.opinion-way.com/fr/sondage-d-opinion/sondages-publies/politique/presidentielle-2022/2022.html

[2] Sous l’hypothèse valable à gros traits d’un nombre équivalent de votants des deux sexes, les inscrites étant plus nombreuses que les inscrits, et souvent plus abstentionnistes, mais pas en 2017…

[3] Les transferts de vote sont plus complexes que ça, mais un transfert direct important entre ces deux candidats est ici hautement vraisemblable.

Marjorie, ou le “féminicide” à la carte

Marjorie, ou le “féminicide” à la carte

L’hébétude de l’idéologie devant le fait divers et le crime anomique ; remarque sur une aporie des discours de propagande.

Le 14 mai dernier, Marjorie, dix-sept ans, était tuée à coups de couteau à Ivry-sur-Seine par « Alvin M. », un collégien de quatorze ans. Elle s’était rendue devant l’immeuble de la cité Pierre-et-Marie-Curie, dite cité Hoche, où il habite, pour défendre sa petite sœur que le garçon avait prise à partie quelques heures plus tôt dans un groupe Snapchat.

Dans les semaines suivant les faits, l’association du prénom #Marjorie et du mot « féminicide » ne produisait sur Twitter que deux ou trois résultats [1] : des tweets émanant de particuliers et sans grand écho. Les groupes radicalisés, à l’instar d’@osezlefeminisme, observaient une réserve insolite. Le 22, jour de la « marche jaune » à Ivry en hommage à la victime, la députée LFI Clémentine Autain, esprit formaté aux slogans et outrances verbales, twittait sobrement sans prononcer le mot [2].

Où était passé le « féminicide », néologisme agité depuis des années par des milliers d’activistes, au point de s’imposer dans les journaux et jusque dans les prétoires ? L’évitement qui a été observé cette fois par tous les médias est symptomatique d’une aporie dans le montage idéologique.

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“Les femmes ont mieux géré le Covid” (misère de la sociologie)

“Les femmes ont mieux géré le Covid” (misère de la sociologie)

Au creux estival de la pandémie, les médias ont relayé avec complaisance les conclusions d’une étude pour le Center for Economic Policy Research et le Forum économique mondial, qui paraissent accablantes pour la gent masculine : « Il est clair que les pays dirigés par des femmes s’en sont mieux tirés. » Une étude ad hoc à visée de propagande qui aboutit pourtant à des conclusions indigestes pour le logiciel néoféministe.

Il y a un lien entre le nombre de morts par Covid et la promptitude des gouvernants à avoir instauré le confinement des populations, et celle-ci a différé selon que les gouvernants étaient des hommes ou des femmes. Supriya Garikipat, de l’université de Liverpool, et Uma Kambhampati, de l’université de Reading, deux économistes orientées “gender & cultural studies”, ont abouti dans un étude [1] à cette conclusion après avoir recueilli des données dans des pays dirigés respectivement par des hommes et par des femmes. Ce faisant, elles ont été conduites à illustrer l’hypothèse d’une plus fréquente aversion au risque chez les femmes, qui aurait porté les dirigeantes concernées à confiner plus tôt.

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“Trop jeune pour moi”, fausse audace, vraie dévotion

“Trop jeune pour moi”, fausse audace, vraie dévotion

Raconter une histoire d’amour sans visée politique édifiante, ce n’est sans doute plus envisageable dans le paysage audiovisuel du moment. Arrêt sur bluette.

À propos du soap Trop jeune pour moi diffusé le 31 août 2020 sur TF1, l’actrice Hélène de Fougerolles qui en incarne l’héroïne a confié au magazine TVMAG de graves considérations. « Si cette fiction peut faire réfléchir et changer le regard sur la différence d’âge », etc. Dans le film, elle a quarante-cinq ans, et le jeune homme vingt de moins. La chose est promue comme emblématique d’un type de relation hétérosexuelle qui mériterait d’être défendu contre le préjugé de ceux qui n’ont pas le « regard » du moment. Avec cette composition et grâce à TF1, Hélène de Fougerolles est persuadée de « tordre le cou à des clichés ». Et d’alléguer le couple Macron : « Il est scandaleux que la première dame se fasse encore beaucoup critiquer à ce sujet. »

Mais au couple présidentiel la fable télévisée ne ressemble guère. Et ce n’est pas seulement parce que la comédienne a plus d’atouts pour inspirer du désir à un jeune homme qu’une première dame dont le style cagot faire rire le monde depuis trois ans. Dans ce dernier cas, la différence d’âge n’entre pas seule en ligne de compte ; la psychanalyse ne manque pas de matière pour s’interroger sur la constitution mentale d’un homme qui a symboliquement épousé sa mère – un maître et une seconde mère. Mais de liaisons de femmes mûres avec de jeunes hommes, il y a toujours eu pléthore, et on en trouvera trace aussi loin que portent l’adultère et la littérature – les dix ou douze ans qui peuvent séparer Julien Sorel de Mme de Reynal valent bien vingt d’aujourd’hui.

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Il n’y a pas de “féminicides”

Il n’y a pas de “féminicides”

Si l’idéologème différentialiste « féminicide » a échoué à aboutir à un chef d’inculpation spécifique en droit pénal, il est appelé à jouer un rôle grandissant dans le prêt-à-penser propagandiste. Il ne faut pas le laisser passer.

Le 18 février 2020 l’Assemblée nationale publiait le Rapport d’information fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, sur la reconnaissance du terme de “féminicide”, dû aux efforts de Fiona Lazaar, députée LREM du Val d’Oise.

Les faits ne justifient pas le climat de panique entretenu par les pouvoirs publics de concert avec les groupes ultras sous l’intitulé des « violences-faites-aux-femmes ». Depuis le début du siècle, les homicides commis sur des femmes ont constamment diminué en France et dans l’Union européenne. Avec un taux de 0,27 sur 100 000, la France se situait en 2016 parmi les pays de l’UE où les meurtres de femmes étaient les moins nombreux

La tendance ne doit rien à la « reconnaissance » d’une violence contre les femmes en tant que femmes. Reste que le rapport Lazaar était attendu par les groupes militants. Or il les aura déçus. Sa principale conclusion est en effet que la « reconnaissance » revendiquée comme l’objectif du texte ne saurait être celle d’un chef d’inculpation spécifique. Principale, mais pas unique conclusion, car Lire la suite

Le “female boosting” du capital

Le “female boosting” du capital

Les réseaux professionnels féminins sont-ils plus que des réunions Tupperware, et à qui s’adressent-ils ? Aperçus du sexisme réticulaire, et de l’usage de la “RSE”.

Que sont les réseaux professionnels féminins, ces structures, généralement associatives, qui visent à corriger les effets supposément défavorables aux femmes du marché de l’emploi, sous le drapeau de la mixité ou de la parité ? Ils sont nombreux à être apparus depuis moins de dix ans. Certains, comme Les Énovatrices, ont eu une existence éphémère. Chez d’autres, la frontière est parfois floue avec les groupes activistes. Car ils sont aussi divers. L’ambition n’est pas ici d’en faire un tour complet, mais d’en souligner un trait commun, le désintérêt pour les femmes des classes populaires.

Renommée et bizness

Le caractère élitiste est tacite mais transparent, avec un réseau comme Les Fameuses, porté par « 250 fameuses », c’est-à-dire des « femmes d’influence, expertes, scientifiques, artistes, sportives… ». Lire la suite

“Le féminisme et ses ennemis”, remarques à la marge sur une paranoïa ordinaire

“Le féminisme et ses ennemis”, remarques à la marge sur une paranoïa ordinaire

Dans sa recension d’un ouvrage collectif intitulé Antiféminismes et masculinismes d’hier et d’aujourd’hui (Puf, 2019), un article de La Vie des idées du 18 novembre signé Tristan Boursier (Cevipof) livre un condensé éloquent de l’aplomb académique inspiré par le préjugé militant.

Les lignes qui suivent ne font que commenter cet article de LVDI[1], qu’il est recommandé de lire avant pour leur bonne compréhension.

Dès le titre de l’article notre recenseur et chercheur (Sciences Po Cevipof) prête d’emblée des « ennemis » à la matière qu’il défend. Pourquoi cet apparat guerrier ? « Contradicteurs » ne conviendrait-il pas mieux ? Ce serait pour l’auteur déjà accepter de discuter leurs raisons. Scrupule superflu avec un ennemi : on le combat, et dans la joute intellectuelle le combat se résume souvent au discrédit et au procès d’intention.

Et l’on devine que va de soi pour lui la portée heuristique du terme « masculinisme ». Terme impropre, le dira-t-on assez. (Se calant sur « féminisme », il faudrait parler de masculisme, ou opter pour fémininisme. Ce barbarisme nous vient du Québec, d’où sont originaires deux des codirecteurs de l’ouvrage recensé, sous l’influence de l’anglais : ce n’est pas dans les départements de pseudo-science genriste qu’on s’attend à trouver les Québécois les plus soucieux de préserver leur souveraineté linguistique.) Mais terme surtout polémique, qui vise à embarquer dans une logique militante opposée toute critique de l’idéologie féministe, à instituer toute raison contradictoire en idéologie hostile. Bref, un terme qui vise à s’inventer et à dénoncer des ennemis.

Poursuivons avec l’article de Tristan Boursier.

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“Adèle Haenel ou le tribunal médiatique et numérique”

”Ce n’est pas l’agression qui est dénoncée, mais ce qui a empêché l’agression” Bien vu. Un article qui tire le fil de l’idéologie, et la pelote suit. A lire et à relayer.

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#ÀNotrePlace : nanar et lapsus

#ÀNotrePlace : nanar et lapsus

Le film de “Ni Putes ni Soumises” sur le harcèlement de rue est une démonstration presque éloquente. De ce dont il ne parle pas.

 

Quel intérêt du témoignage d’un homme pour juger de la drague lourdingue à laquelle peuvent être exposées les femmes (du moins certaines) ? Les féministes de NPNS seraient-elles si timides qu’elles croient qu’un témoignage de femme ne suffit pas aux hommes ? Qu’il fallait celui d’un homme pour accréditer le leur ? Que le leur a trop souvent manqué à la sincérité pour mériter le crédit du sexe opposé ? Horresco referens.

Et pourquoi un homme déguisé en femme ? Elles pouvaient s’adresser plus sûrement à quelque damoiseau hétéro et le promener dans des milieux gays. Mais tel est le scénario.

Le film, lui, laisse perplexe.

D’abord, il y a l’apparence de ce garçon déguisé en fille, dont la taille et la dégaine laissent trop paraître l’insolite du trans, sous une féminité maladroitement appuyée, un insolite qui ne peut qu’attirer les regards, plus que ne les attirerait une jeune femme élégante dans les mêmes situations. Pas étonnant que les regards soient d’un poids singulier dans la perception de l’intéressé. (En les interprétant tous comme le considérant comme « un morceau de viande », l’acteur s’avance un peu inconsidérément, au-delà de ce qu’il nous a donné à voir – ou c’est que le texte du commentaire a été mieux appris que celui du film.)

Du reste, s’il avait été déguisé en vieillard ou en moine tibétain, il n’aurait pas évité de ressentir différemment d’à l’habitude le regard des autres sur lui, le « poids du regard », sans qu’y soit entrée aucune dimension sexuelle. Regard plus ou moins bienveillant, selon l’habit et les lieux traversés dessous. Et selon la façon de s’y conduire soi-même : le déguisement, comme le rôle de composition, expose plus qu’il ne protège quand il n’est pas bien porté.

Mais ce que montre surtout ce film, c’est le non-dit des « statistiques » sur le harcèlement à caractère sexuel.

On aimerait connaître le détail de l’itinéraire de cette folle journée, et les critères qui ont présidé au choix des lieux fréquentés. Ils ne sont pas tous équivalents, sous le critère de la familiarité avec les inconnus, de l’autre sexe ou pas, ou quel qu’en soit le sexe. Choisir un bar de nuit ou une brasserie à 13 heures, ce n’est pas le même scénario, selon qu’on vise à constater ou dénoncer des lourdeurs de drague. Choisir la région parisienne ou la province, la métropole ou la petite ville, non plus, etc.

« Ni putes ni soumises » se défend d’avoir visé à montrer ce qui ressort immédiatement du film en dépit des floutages (qui ne gomment ni l’allure ni l’élocution !) : la population des supposés harceleurs de rue, jeunes hommes de milieux populaires, est très ethniquement typée. Exemplaire ligue de vertu, elle n’y a pas visé, c’est certain, on lui en fait volontiers crédit. Mais elle y est bien parvenue.

Et revoilà notre syndrome de Cologne. La misère sexuelle agressive et sans filtre de jeunes mâles qui portent en eux les débris de sociétés patriarcales du sud de la Méditerranée, et dont on s’interdit de relever les traits communs – rien de neuf –, mais qu’on ne s’interdit pas d’aller piéger en caméra cachée à la mesure de l’estime intersectionnelle qu’on leur porte, qui sent beaucoup son mépris de classe.

Jamais avare d’une édifiante maladresse, le secrétariat à l’Égalité femmes-hommes de l’impayable Marlène Schiappa met à profit la sortie du nanar pour se féliciter de ses « 894 contraventions pour outrage sexiste ». Huit cent quatre-vingt-quatorze, ça ne suffit pas pour esquisser une typologie des « harceleurs de rue » ? Pas sûr que toute la gent masculine se projette #àleurplace.

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Analyse des emplois et mise à l’index

Analyse des emplois et mise à l’index

Sous-texte des récentes mesures d’égalisation autoritaire des rémunérations femmes-hommes, l’« analyse des emplois en valeur comparable » a dévoyé une méthode de défense ouvrière en outil de management et de contrôle de la masse salariale.

La « loi Penicaud » du 5 septembre 2018[1] et ses dispositions visant à « mettre en œuvre un ensemble de mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’entreprise » (article 104) ont trouvé une traduction pratique (si l’on peut dire s’agissant d’une usine à gaz) dans un « index de l’égalité femmes-hommes »[2] qui fait la fierté et la teinte de gauche du macronisme. Ce texte revisite le principe « à travail de valeur égale, salaire égal » par une métaphysique de la « valeur » qui escamote dans un ensemble obsessionnel de contraintes légales tant le travail que le travailleur. En attendant qu’il soit loisible d’en tirer un début de bilan, une chose déjà est sûre : dans la confusion des ordres, l’ange de l’analyse en valeur comparable a commencé de faire la bête.

Depuis des années, la négociation collective syndicats-patronat a intégré en France, à une fréquence et des niveaux divers selon les branches et les organisations, Lire la suite

Des “frotteurs” dans les têtes

Des “frotteurs” dans les têtes

Personne ne les voit, mais ils sont partout. L’objet du scandale a autant de substance que dans les sociétés rurales les fables sur l’empoisonnement des sources ou les meurtres rituels. Mais l’inclination est immémoriale. Le parti de la peur aurait tort de s’en priver.

 

Il est remarquable qu’en dehors du contexte téléguidé des enquêtes sur « les violences faites aux femmes », les recherches portant sur les transports publics n’avaient jamais mis spécialement en évidence leur particulière dangerosité au titre de la délinquance sexuelle, ni décelé l’existence de la vaste confrérie des frotteurs. L’hystérisation de l’opinion publique depuis le fait divers hollywoodien dit affaire Weinstein a changé la donne.

“N’hésitez pas à donner l’alerte”

Depuis mars 2018, la RATP diffuse ainsi dans les stations ce message sonore : « Si vous êtes témoin ou victime d’un harcèlement sexuel, n’hésitez pas à donner l’alerte auprès de nos agents, en utilisant une borne, etc. » « N’hésitez pas » ! Ce ton urbain involontairement cocasse s’explique sans doute par la volonté d’intéresser dans la même phrase non seulement les victimes, par l’encouragement à surmonter la commotion de l’agression, mais aussi les témoins, alors qu’il tend plutôt à les dissuader d’intervenir eux-mêmes (pour commencer, chercher la borne…). Lire la suite

Du rail et du genre

Du rail et du genre

Avec sa réforme de la SNCF, l’État institue une discrimination salariale qui viole les principes qu’il revendique ailleurs. Mais seulement ailleurs.

La ministre du Travail Muriel Pénicaud a présenté le 27 avril en conseil des ministres le « Projet de loi pour la Liberté de choisir son avenir professionnel » par lequel elle entend traiter entre autres sujets « l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes », associée à la « lutte contre les violences sexistes et sexuelles », en vertu de l’amalgame devenu habituel dans toutes les politiques publiques. Il s’agit donc de « passer d’une obligation de moyens à une obligation de résultats sur les écarts de salaires injustifiés », écarts que la ministre évalue à 9 % « à poste égal ou de valeur égale » (selon la mystérieuse notion de « valeur égale » figurant au L. 3221-2 du Code du travail). Pour y aboutir, les entreprises de plus de cinquante salariés seront tenues en 2020 d’utiliser un logiciel ad hoc qui comparera les salaires en fonction de l’entre-jambes.

Quelques jours plus tôt, le « projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire » défendu par la ministre des Transports Élisabeth Borne était adopté par l’Assemblée nationale. L’exposé de ses motifs précise « l’ordonnance devra donner l’opportunité de rénover la gestion de l’emploi, (…), sans remettre en cause le principe de l’unité sociale du groupe public ferroviaire » et que « dans ce cadre » sera « confirmé l’arrêt des recrutements au statut des nouveaux agents ». Une chose et son contraire, donc, Lire la suite

Équivalences transitives, ou la ruine du droit

Équivalences transitives, ou la ruine du droit

Du “continuum de violence” au bricolage des “féminicides”, le mode de pensée tautologique de la propagande féministe n’est pas innocemment risible. Il ne vise à rien de moins qu’à ruiner le principe de légalité.

Les idéologies sont inégalement friandes de rhétorique, de références érudites ou de contorsions dialectiques. Le féminisme du XXIe siècle ne s’en embarrasse pas.

Il énonce comme des évidences des propositions d’équivalence binaire, A = B et B = C, auxquelles leur ressassement finit par conférer la force de l’évidence.

Ces équivalences opèrent dans la désignation des faits et le champ sémantique mobilisé pour les qualifier. Échantillon.

  • Différentiation = discrimination (équivalence totale : la confusion sémantique n’est d’ailleurs pas l’apanage du registre féministe, et si incongru qu’il puisse paraître de noter ici que le droit commercial s’y est aussi pris les pieds, il faut garder à vue que l’avachissement général du langage est toujours un terreau fertile pour les idéologies agressives) ;
  • Inégalité = discrimination (la relation est causale, mais commutative selon le contexte : emploi, éducation, foyer, et surtout selon l’ordre du discours) ;
  • Discrimination = violence (équivalence presque totale, portée d’ailleurs par d’autres contextes que celui de la récrimination féministe, qui emprunte ici au vade mecum des communautarismes) ;
  • Sexuel = sexiste (équivalence totale dès qu’un « stéréotype » est détecté, spécialement s’il s’agit d’une blague) ;
  • Sexisme = violence ; et corollairement discrimination sexiste = violence (équivalence totale) ;
  • Sexisme = domination (comme si une insulte sexiste ne pouvait pas être proférée par un dominé – présentant les meilleurs titres de subordination, économiques, éducatifs, ethniques… – à l’encontre d’une dominante selon les mêmes critères ; la limite de l’équivalence étant ici l’embarras de la doxa avec le syndrome de Cologne) ;
  • Sexiste = « sexiste et sexuel » (ce syntagme stéréotypique désormais inscrit dans la loi et ressassé dans les campagnes de dénonciation ne vise pas à distinguer les deux termes mais au contraire à rabattre le second sur le premier : l’hétérosexualité masculine est présumée sexiste) ;
  • Domination = violence (la domination masculine étant présumée, la violence va de soi, il suffit de repérer l’une pour qualifier l’autre) ;
  • Drague = harcèlement (équivalence totale, mais revendication partielle, il resterait une drague admissible, mais le concéder n’est qu’une clause de style d’un propos tout uniment culpabilisateur, dès lors que la notion de harcèlement ne suppose plus la récurrence d’une avance à caractère sexuel) ;
  • Violences verbales = violences physiques (les allégations de « violences conjugales » sont toujours présentées dans les sondages et les journaux sans distinction des unes et des autres, et si la distinction est faite dans les organismes statisticiens, elle n’y est jamais mise en avant)…

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Qu’est-ce que le “sexisme” ?

Qu’est-ce que le “sexisme” ?

« Notre société entière » est « malade du sexisme », déclarait doctement le 25 novembre 2017 Emmanuel Macron, avec l’accent d’indignation seyant aux circonstances. On savait de la même source les Français fainéants, les voilà mieux qualifiés, en fainéants sexistes.

Au-delà de l’inclination de ce président de la République à l’injure, collective ou individuelle (Pierre de Villiers), son diagnostic péremptoire, qui fait écho au système de croyance tissé dans les esprits par le néoféminisme, gagnerait à s’étayer d’une définition. (Ou ne gagnerait rien, après tout, ce n’est que gesticulation politique.)

Pour le dictionnaire Trésor du CNRTL, le sexisme est « Péj. [Gén. dans le lang. des féministes] » une « attitude discriminatoire adoptée à l’encontre du sexe opposé (principalement par les hommes qui s’attribuent le meilleur rôle dans le couple et la société, aux dépens des femmes reléguées au second plan, exploitées comme objet de plaisir, etc.) ». Pour le Larousse, plus sobrement une « attitude discriminatoire fondée sur le sexe ».

Le Trésor prend acte que n’y entrent pas les interdictions fondées sur le sexe qui sont opposées aux hommes (festival Cineffables , Nuit debout, réseaux professionnels féminins, etc.) : le mot s’entend « généralement dans le langage des féministes ». C’est ce qu’on appelle entériner l’usage. Et la définition du Larousse, qui affecte de l’ignorer, sonne curieusement à nos oreilles tellement habituées à la préemption du mot par l’idéologie.

Car avec le féminisme, le sexisme n’est pas ce qu’avec une placide neutralité dénote ce dictionnaire. Il est « systémique ». Et par conséquent unilatéral, un même « système » ne pouvant produire qu’un type de rapport inégal entre les sexes.

Tout homme qui, d’une façon ou d’un autre, exprime la différence sexuée dont il est porteur – expression de goûts, de désirs – par le geste ou la parole, est en situation d’illustrer le « sexisme » systémique.

Il n’y a pas d’échappatoire, pas de liberté, ni pour lui ni pour sa partenaire. Seul le grand soir féministe qui aura aboli le « système » (on ne sait pas comment) les affranchira l’un et l’autre de ce « rapport de domination » essentialisé.

Le « sexisme » est l’élément de langage d’une prédication.

Papillon du 25 novembre

Papillon du 25 novembre

« Une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint. » Un énoncé propagandiste.

Papillons : chiffres sortis de quelque bureau, qui volettent portés par les médias ou la rumeur, hors de toute mise en perspective. Le papillon est un effet statisticien tout exprès isolé pour frapper les esprits. Et les abuser, tant il est souvent vénéneux.

Chaque 25 novembre avec la « Journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes » revient le papillon de la morbidité liée à la violence conjugale, sous la même forme fréquentielle « tous les trois jours ». « Une femme a été tuée tous les trois jours par son partenaire ou ex-partenaire en 2016 », indique cette année la « mission interministérielle de l’Observatoire national des violences faites aux femmes » (Miprof), qui fait état de 123 victimes[1], chiffre à peu près stable depuis plusieurs années.

Ce chiffre était connu avant le 25 novembre, mais le goût du marketing social porte les pouvoirs publics à en ménager la fraîcheur jusqu’à cette date où son relais médiatique est plus assuré. Et parce que l’occasion de la « Journée mondiale de lutte contre les violences faites aux femmes » garantit que le sujet des violences conjugales restera bien calé sur celles dont les seules femmes sont victimes. « Violence conjugale » veut dire « hommes violents ». Lire la suite