
Si porté à « oser » qu’il soit, le féminisme n’a pas osé étendre sa revendication paritaire à toutes les occupations auxquelles elle pourrait prétendre : les troupes déployées en Afghanistan ou au Mali, les brigades en cuisine des brasseries parisiennes, le cul des camions poubelles ou le maniement hivernal du marteau piqueur. On y attend la manif des Barbes.
On l’attend aussi auprès des équipes d’entretien des centrales nucléaires (sans parler des futurs liquidateurs), dont les prestataires embauchés pour les « chantiers d’arrêt de tranche », tous des hommes, sont toujours plus souvent des précaires, moins formés, moins payés, sans que les paritaristes aient beaucoup protesté quand le gouvernement a retiré (« décret pénibilité » du 30 mars 2011) le rayonnement ionisant de la liste des risques ouvrant droit à une retraite anticipée. C’est évidemment moins grave qu’un écart de salaire entre une HEC et un Essec, et puis il serait mesquin de paraître revendiquer la parité devant l’espérance de vie. (L’éloquence des tenantes du « genre » aurait pourtant ici matière à s’illustrer, dans la démonstration que la moindre longévité des hommes tient du social plus que du biologique. On l’entend peu.)
On remarquera encore que les fondamentalistes de la parité se font peu entendre, pour que recouvre la mixité l’enseignement de second degré, où les enseignantes sont souvent les premières à souffrir de la prééminence en nombre de leur sexe dans les établissements, et pas seulement dans ceux réputés difficiles. Question immense, cruciale, que celle où ne se joue rien de moins que la transmission de la culture. Elle excède notre propos.
Une complète égalité supposerait la parité à tous les échelons de tous les métiers, qui ne saurait résulter que d’une affectation autoritaire des postes. Resterait auparavant à instituer la direction administrative, entre Gosplan et Reichsarbeitsministerium aux pouvoirs d’investigation élargis, dont ce serait la priorité, et qui s’assurerait que tous les hommes et les femmes en âge de travailler travaillent.
Car à défaut, l’instabilité des contours de la population occupée se traduirait par un déséquilibre en défaveur de l’un ou l’autre sexe, inégalement touchés par le chômage ou le choix de la non-activité. On ne saurait alors mieux recommander qu’une loi générale contre le hooliganisme, sur le modèle soviétique, après la promulgation de ce qu’il conviendrait d’entendre par « travail » et « non-activité ». A cette fin, il conviendrait de confier l’élaboration des concepts à une sociologie officielle – et partant consensuelle –, sous le contrôle des directions ministérielles compétentes. N’existe-t-elle pas déjà, en la matière ?
L’inscription dans la Constitution d’une obligation de non-disparité effective des « genres » sous le critère de la distribution des postes, compléterait le tableau. Elle ferait l’objet d’un rapport parlementaire annuel, sur la base d’enquêtes diligentées ad hoc entreprise par entreprise, métier par métier, etc.
À la longue, il apparaîtra que la solution la plus simple et la plus fiable, garantissant l’exhaustivité de la démarche, sera le doublement de tous les postes dans tous les métiers, sur le modèle que le gouvernement Ayrault s’apprête à défendre en vue des élections aux conseils généraux, sans avoir suscité toute l’hilarité que ce truc de vaudeville appellerait, ni tout l’accablement que mérite un déni de la liberté de vote et de candidature.
Nous y sommes presque. Bienvenue dans le monde paritaire.