Facteurs structurels négligés – 2. Diplômes – le mur de verre ignoré

Facteurs structurels négligés – 2. Diplômes – le mur de verre ignoré

Des femmes plus diplômées que les hommes dans un périmètre plus restreint : un effet de structure spécifique sur les niveaux de salaires, sous le rapport entre qualification et poste occupé selon le sexe, au détriment apparent des femmes. Apparent.

Un autre facteur longtemps négligé et toujours sous-estimé dans la diversité de ses manifestations et de ses effets est le différentiel hommes-femmes par la détention des diplômes. Dans un contexte d’abondance de diplômés à bac plus cinq et plus, le fait que les femmes soient globalement plus diplômées que les hommes – qu’elles soient plus nombreuses à l’être – les expose davantage au risque de dévalorisation, sur le marché du travail, des titres qu’elles détiennent. D’autant qu’étant à peu près en même nombre que les hommes sur le marché du travail il se trouve qu’elles s’y présentent en ayant accumulé (collectivement s’entend) des titres correspondant à un périmètre plus étroit de professions et de fonctions. « La moitié de la population active féminine, s’est ainsi insurgée devant l’Assemblée nationale, le 30 octobre 2012, la ministre Najat Vallaud-Belkacem, se cantonne actuellement à 12 des 87 familles de métiers existantes : autant dire que le potentiel de perspectives professionnelles est particulièrement restreint pour les femmes par rapport aux hommes, ce qui explique une grande partie de l’écart moyen de rémunération de 27 % (sic) entre les sexes. »[1]

Ce facteur spécifique ne réduit pas plus qu’il n’affecte celle des hommes détenteurs des mêmes titres leur capacité individuelle de négociation du salaire à l’embauche dans les fonctions concernées[2]. Mais il n’en produit pas moins, statistiquement, un effet de structure spécifique sous le rapport entre qualification et poste occupé selon le sexe, au détriment apparent des femmes – ce qui suscite une littérature alarmiste sur la valorisation différentielle des diplômes[3]. Le fait que les femmes soient surreprésentées dans des titres et qualifications universitaires qu’aucune tradition ne tient pour plus féminins que masculins et que les hommes continuent de convoiter, par exemple les diplômes couronnant des études de droit, contribue à la dévalorisation relative des titres : non pas parce que beaucoup d’entre eux sont détenus par des femmes, mais parce qu’ils sont, tous, trop nombreux face au nombre de postes. Inversement, il n’a d’ailleurs pas échappé à de patentées pourfendeuses des « écarts inexpliqués » et de la « discrimination » que la sous-représentation féminine dans les titres d’ingénieurs pouvait contribuer à l’écart moyen hommes-femmes dans la partie haute de l’échelle salariale (du fait des salaires attachés à ces postes, comparativement à ceux attachés à d’autres fonctions supérieures ou intermédiaires, et du fait de la moindre concurrence salariale pesant sur l’avancement de carrière des jeunes ingénieurs de sexe masculin).

Il est vraisemblable qu’en cas de parité de candidates et de candidats à des postes d’ingénieurs les chiffres des embauches épuiseraient bientôt l’hypothèse d’une discrimination à leurs dépens. Dans son intervention déjà citée, Najat Vallaud-Belkacem, laisse entrevoir implicitement sa préoccupation devant l’effet déflationniste sur les salaires d’ingénieurs d’une inflation de titres ; aussi ajoute-t-elle ce considérations qui marquent les limites démocratiques de l’exercice : « La mixité, ce n’est pas simplement faire en sorte que les filles investissent davantage les études d’ingénieur ou les métiers scientifiques (…), c’est aussi voir de jeunes garçons investir davantage certaines filières, santé et social, par exemple, où l’on trouve actuellement 80 % de filles. » Autrement dit, mais cela reste inavouable, il conviendrait de dissuader activement des jeunes de choisir librement les études qui leur plaisent et pour lesquels ils se croient aptes. En matière d’orientation scolaire comme de choix des représentants du peuple, l’idéologie paritaire ne peut s’affirmer autrement que dans la restriction des libertés publiques[4].

Mais le diplôme est le vecteur d’un effet plus sournois qu’on n’attribuera pas à la « structure », mais à ce qu’on en dit. Là où la position individuelle des femmes diplômées devant l’emploi salarié est négativement affectée par l’abondance des titres, vis-à-vis d’un employeur potentiel, c’est quand elles se voient refuser un poste au motif qu’elles seraient surqualifiées pour l’occuper. Nombre de diplômés des deux sexes sont conduits, pour des raisons diverses, à viser des emplois au-dessous de leur qualification. Pour les hommes, le fait est banal, et la perspective de leur sous-emploi n’émeut personne. Mais seules les femmes candidates à des emplois pour l’exercice desquels elles sont surqualifiées se heurtent à un… mur de verre qui, pour le coup, n’est pas une illusion statistique et qui s’interpose entre cet emploi et elles.

Ce mur, il résulte tout entier de l’emprise sans partage de la raison féministe sur la perception du marché du travail : l’hystérisation de l’exigence d’ « égalité hommes-femmes » conduit de plus en plus d’employeurs à refuser d’embaucher des femmes surqualifiées, pour s’éviter le désagrément d’un procès en discrimination salariale, au vu des salaires distribués dans leur entreprise et des niveaux de diplômes qu’ils rétribueraient du coup inégalement, avec toute l’apparence d’une « discrimination » au détriment du personnel féminin. Un tel procès serait d’autant plus probable que les études spécialisées en la matière négligent la qualification précise des postes pour en juger. L’attitude de ces employeurs est rationnelle, sinon impeccable[5]. Le dynamisme de la production universitaire de diplômes ne devrait pas manquer d’amplifier le phénomène, si le discours dominant continue son œuvre de culpabilisation collective.


[1] Cet élan de clairvoyance n’a pas porté la ministre des exclusifs « Droits de la femme » et porte-parole du gouvernement jusqu’à lui faire voir que l’argument réduisait à peu de chose le procès en discrimination machiste qu’elle n’est pas la dernière à entretenir par ailleurs – http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2012-2013/20130039.asp#INTER_60.

[2] Il n’aurait un tel effet que dans des métiers quasi exclusivement féminins, or les emplois les plus sexués ne sont le plus souvent pas ceux qui requièrent des diplômes élevés.

[5] On peut la rapprocher des réticences qu’inspirent les emplois aidés en faveur des handicapés, nonobstant le surcroît de contrôles administratifs auxquels ceux-ci les exposent.

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