« Nous assumons l’immense majorité des tâches ménagères », écrivaient en 2011 les « 343 » de Libé [1] . Avec la tâche ménagère on touche au noyau dur de la complainte féministe, à ce qui repose sur le plus large consensus, et sur les études les moins discutées. Celles qui méritent par conséquent le plus de l’être. La présente section s’appuie sur les deux principales enquêtes récurrentes, émanant d’organismes publics, qui abordent le sujet, et sur des travaux qui en sont dérivés : l’Étude des relations familiales et intergénérationnelles (Erfi) et l’enquête Emploi du temps. Brèves histoires de temps. Le présent article traite de la première.
L’Étude des relations familiales et intergénérationnelles (Erfi, Ined-Insee)[2], l’une des principales sources, avec l’Enquête emploi du temps de l’Insee, des travaux sur les tâches ménagères et familiales, est menée parmi les personnes vivant en couple. D’emblée, il faut souligner, à l’encontre de l’utilisation partisane outrée qui peut en être faite, que les résultats qu’elle livre invalident l’expression « immense majorité » du manifeste des « 343 ». Des « tâches ménagères » dont elle examine la distribution entre conjoints (« préparation des repas », « vaisselle », « aspirateur », « repassage », « tenue des comptes », « courses alimentaires », ainsi qu’une mystérieuse rubrique « organisation de la vie sociale du ménage / invitations »), seul le repassage est selon elle un attribut exclusif pour une très nette majorité (66 %) de femmes. Les autres sont à forte participation masculine, même si cette participation paraît intermittente pour la « tâche » repas.
Reste que l’enquête Erfi est trompeuse, parce que portée à sous-estimer les contributions domestiques (ménagères et parentales) des hommes [3]. Cette sous-estimation est le produit de biais tenant à la fois aux conditions et aux présupposés de l’enquête, à ce qu’elle met en avant et à ce qu’elle ignore. La mesure est faussée, mais de façon univoque.
Biais de conditions d’enquête
Réalisée auprès d’un échantillon presque paritaire[4], Erfi est une enquête de type « déclarative ». Elle se fonde sur des entretiens, menés selon un protocole invariable, qui favorisent les interférences dues à l’appréciation subjective. Son exploitation ne fait pas, chez ses commentateurs, l’objet de recoupements avec d’autres sources.
Les déclarations reflètent-elles fidèlement les pratiques ? C’est tout le présupposé d’Erfi, Lire la suite