Marjorie, ou le “féminicide” à la carte

Marjorie, ou le “féminicide” à la carte

L’hébétude de l’idéologie devant le fait divers et le crime anomique ; remarque sur une aporie des discours de propagande.

Le 14 mai dernier, Marjorie, dix-sept ans, était tuée à coups de couteau à Ivry-sur-Seine par « Alvin M. », un collégien de quatorze ans. Elle s’était rendue devant l’immeuble de la cité Pierre-et-Marie-Curie, dite cité Hoche, où il habite, pour défendre sa petite sœur que le garçon avait prise à partie quelques heures plus tôt dans un groupe Snapchat.

Dans les semaines suivant les faits, l’association du prénom #Marjorie et du mot « féminicide » ne produisait sur Twitter que deux ou trois résultats [1] : des tweets émanant de particuliers et sans grand écho. Les groupes radicalisés, à l’instar d’@osezlefeminisme, observaient une réserve insolite. Le 22, jour de la « marche jaune » à Ivry en hommage à la victime, la députée LFI Clémentine Autain, esprit formaté aux slogans et outrances verbales, twittait sobrement sans prononcer le mot [2].

Où était passé le « féminicide », néologisme agité depuis des années par des milliers d’activistes, au point de s’imposer dans les journaux et jusque dans les prétoires ? L’évitement qui a été observé cette fois par tous les médias est symptomatique d’une aporie dans le montage idéologique.

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Il n’y a pas de “féminicides”

Il n’y a pas de “féminicides”

Si l’idéologème différentialiste « féminicide » a échoué à aboutir à un chef d’inculpation spécifique en droit pénal, il est appelé à jouer un rôle grandissant dans le prêt-à-penser propagandiste. Il ne faut pas le laisser passer.

Le 18 février 2020 l’Assemblée nationale publiait le Rapport d’information fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, sur la reconnaissance du terme de “féminicide”, dû aux efforts de Fiona Lazaar, députée LREM du Val d’Oise.

Les faits ne justifient pas le climat de panique entretenu par les pouvoirs publics de concert avec les groupes ultras sous l’intitulé des « violences-faites-aux-femmes ». Depuis le début du siècle, les homicides commis sur des femmes ont constamment diminué en France et dans l’Union européenne. Avec un taux de 0,27 sur 100 000, la France se situait en 2016 parmi les pays de l’UE où les meurtres de femmes étaient les moins nombreux

La tendance ne doit rien à la « reconnaissance » d’une violence contre les femmes en tant que femmes. Reste que le rapport Lazaar était attendu par les groupes militants. Or il les aura déçus. Sa principale conclusion est en effet que la « reconnaissance » revendiquée comme l’objectif du texte ne saurait être celle d’un chef d’inculpation spécifique. Principale, mais pas unique conclusion, car Lire la suite

Équivalences transitives, ou la ruine du droit

Équivalences transitives, ou la ruine du droit

Du “continuum de violence” au bricolage des “féminicides”, le mode de pensée tautologique de la propagande féministe n’est pas innocemment risible. Il ne vise à rien de moins qu’à ruiner le principe de légalité.

Les idéologies sont inégalement friandes de rhétorique, de références érudites ou de contorsions dialectiques. Le féminisme du XXIe siècle ne s’en embarrasse pas.

Il énonce comme des évidences des propositions d’équivalence binaire, A = B et B = C, auxquelles leur ressassement finit par conférer la force de l’évidence.

Ces équivalences opèrent dans la désignation des faits et le champ sémantique mobilisé pour les qualifier. Échantillon.

  • Différentiation = discrimination (équivalence totale : la confusion sémantique n’est d’ailleurs pas l’apanage du registre féministe, et si incongru qu’il puisse paraître de noter ici que le droit commercial s’y est aussi pris les pieds, il faut garder à vue que l’avachissement général du langage est toujours un terreau fertile pour les idéologies agressives) ;
  • Inégalité = discrimination (la relation est causale, mais commutative selon le contexte : emploi, éducation, foyer, et surtout selon l’ordre du discours) ;
  • Discrimination = violence (équivalence presque totale, portée d’ailleurs par d’autres contextes que celui de la récrimination féministe, qui emprunte ici au vade mecum des communautarismes) ;
  • Sexuel = sexiste (équivalence totale dès qu’un « stéréotype » est détecté, spécialement s’il s’agit d’une blague) ;
  • Sexisme = violence ; et corollairement discrimination sexiste = violence (équivalence totale) ;
  • Sexisme = domination (comme si une insulte sexiste ne pouvait pas être proférée par un dominé – présentant les meilleurs titres de subordination, économiques, éducatifs, ethniques… – à l’encontre d’une dominante selon les mêmes critères ; la limite de l’équivalence étant ici l’embarras de la doxa avec le syndrome de Cologne) ;
  • Sexiste = « sexiste et sexuel » (ce syntagme stéréotypique désormais inscrit dans la loi et ressassé dans les campagnes de dénonciation ne vise pas à distinguer les deux termes mais au contraire à rabattre le second sur le premier : l’hétérosexualité masculine est présumée sexiste) ;
  • Domination = violence (la domination masculine étant présumée, la violence va de soi, il suffit de repérer l’une pour qualifier l’autre) ;
  • Drague = harcèlement (équivalence totale, mais revendication partielle, il resterait une drague admissible, mais le concéder n’est qu’une clause de style d’un propos tout uniment culpabilisateur, dès lors que la notion de harcèlement ne suppose plus la récurrence d’une avance à caractère sexuel) ;
  • Violences verbales = violences physiques (les allégations de « violences conjugales » sont toujours présentées dans les sondages et les journaux sans distinction des unes et des autres, et si la distinction est faite dans les organismes statisticiens, elle n’y est jamais mise en avant)…

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